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L E T T R E S INÉDITES DU COMTE DE GAVOUR 27 de la période. Ce fut même une des raisons qui l'empêchèrent de jamais parler un italien passable. La plupart de ses lettres sont, au contraire, dans un français toujours clair et parfois élégant. Il avait beaucoup fréquenté les salons de Paris, et il en était enthousiaste ; « Je crois, écrit-il, qu'il n'y a rien de compa- rable au monde, pour l'agrément, aux salons de Paris. C'est le seul endroit où les hommes d'État, les savants, les littérateurs et les gens de bonne société se rencontrent habituellement pour échanger leurs idées, leurs impressions, leurs opinions. Paris est évidemment la capitale intellectuelle du monde. » S'adressant h M"19 de Circourt, il insiste encore sur son impression : « L'An- gleterre est un pays d'immenses ressources; mais ce qu'on y chercherait vainement, c'est cette admirable union de la science et de l'esprit, de la profondeur et de l'amabilité, du fond et de la forme qui faille charme de certain salons parisiens, charme qu'on regrette toute sa vie, une fois qu'on l'a goûté, et qu'on ne retrouve plus lorsqu'on s'est éloigné de cette oasis intellectuelle. » Ce n'était pas seulement de la politesse française qu'il gardait un bon souvenir, mais plus encore des parlementaires qu'il rencontrait chaque soir : « Si ma lettre n'était pas si longue, je vous parlerais de votre illustre ami M. de Broglie que j'estime, je vénère, et j'aime tous les jours davantage, surtout parce qu'il montre ce que sont les Français, lorsqu'ils suivent une bonne voie. Lorsque vous m'aurez montré un duc de Broglie anglais ou allemand, je commencerai a douter de mon opinion sur la supériorité morale, intellectuelle et politique de la France, opinion qui s'enracine chaque jour davantage dans mon esprit. » D'autre part, l'attitude du clergé français, et les fortes prédi- cations qui, à cette époque, saisissaient les auditoires parisiens, en évoquant du haut de la chaire la grande figure de la liberté mo- rale et civile telle que la religion seule peut la promettre, était pour le comte de Gavour le sujet d'un ètonnement respectueux. Le clergé sarde, il faut bien le reconnaître, ne l'avait habitué ni à tant de tolérance, ni à tant d'élévation. Eu dépit de la lutte qu'il a soutenue contre la papauté, Gavour est resté toute sa vie un croyant. Le 7 mai 1850, en plein Par- lement, il s'écriait : Nous avons la conviction que le progrès des