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28 LA R E V U E LYONNAISE sociétés modernes a besoin des deux puissances morales les plus fortes aujourd'hui dans le monde: la religion et la liberté, » Cette déclaration avait peut-être sa raison d'être dans les souve- nirs qu'il avait rapportés de France. « L'abbé Cœur, écrit-il, appartient à cette nouvelle école catholique et démocratique qui est destinée peut-être à dominer le monde. Dans sa première leçon 4, il a magnifiquement parlé de la mission que le dix-neu- vième siècle avait reçue: mission qui consiste à faire de l'intelli- gence une puissance politique active, et à développer de plus en plus dans le monde social les grands principes de la dignité et de la fraternité humaine, que le christianisme a déjà fait prévaloir dans le monde religieux. L'abbé Cœur a proclamé hautement, aux applaudissements de l'élite de la jeunesse, l'alliance des principes catholiques avec le dogme du progrès social. Pour la première fois, j'ai entendu un prêtre, interprète officiel des doctrines de ses confrères, prêcher du haut de la chaire qu'il faut regarder en avant et non en arrière ; que s'il y a un juste, il y a pour le genre humain une réhabilitation qui se poursuit lentement mais con- stamment à travers les siècles à l'aide d'une lumière divine que le christianisme a répandue sur le globe : lumière qui grandit, au lieu de s'affaiblir, à mesure qu'elle se reflète dans l'intelligence de plus en plus développée de l'humanité. Les doctrines de l'abbé Cœur ont pénétré dans mon intelligence et remué mon cœur, et le jour où je les verrai sincèrement et généralement adoptées par l'Eglise, je deviendrai probablement un catholique aussi ardent que lui. » Enfin, parlant de la loi sur l'enseignement, venue en discussion dès 1844, il trouvait que « ces débats honorent la France et le siècle ». « Le résultat me paraît de nature à satisfaire tous les hommes éclairés ou modérés. Peut-être à Genève trouvera-t-on qu'on a été trop favorable aux petits séminaires ; mais on n'aurait pas raison : les concessions qu'on a faites au clergé sont aussi utiles que raisonnables. Je ne puis pas partager les craintes qu'elles inspirent aux philosophes et aux jurisconsultes de l'école Dupin. » On voit l'influence qu'exerçait sur Cavour la marche des évé- nements dans notre pays. Il avait comme le pressentiment du rôle 1 L'abbé Cœur était, à la Sorbonne, professeur d'éloquence sacrée.