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362 LA REVUE LYONNAISE
on fitjadis pour les Caractères de la Bruyère ces clefs qui préoc-
cupèrent si fort les contemporains et causèrent plus d'une impa-
tience à l'auteur. Le professeur Bellac, fort entouré de dames qui
prennent des notes à son cours et se disputent, dans les conférences
intimes qu'il fait dans les salons, la précieuse faveur de lui offrir le
verre d'eau sucrée traditionnel, a été assimilé à l'un des défenseurs
éminents de la cause spiritualiste, à un professeur qui a l'insigne
mérite de passionner pour elle non seulement les adeptes de la
science qu'il professe, mais la société qui l'entoure. Le succès de
salon,l'influence du causeur spirituel et du penseur délicat, succès
rencontré par surcroît, tandis que le Bellac de la comédie en fait
son but à peu près unique, tel est le trait fugitif de ressemblance
que la malignité a prétendu souligner. M. Pailleron se défend de
toute allusion personnelle dans sa préface, et nous devons l'en
croire d'autant plus facilement que la plus saine philosophie et la
plus sincère éloquence n'ont rien de commun avec le caractère,
quintessencié d'un pédant. Un seul cours à la Sorbonne fait encore
revivre la grande et magistrale tradition de ces leçons de la Res -
tauration qui étaient l'entretien d'une société choisie après avoir
passionné l'auditoire. L'homme de cœur et le brillant écrivain
qui le professe peut, comme tous les hommes supérieurs, susciter
autour de lui quelques copistes maladroits ou ridicules. Ce sont
eux, évidemment, et eux seuls qui ont pu servir de modèles à M.
Pailleron, si tant est qu'il ait cherché de ce côté ses originaux.
Notons enfin l'heureux « fils de son père », l'orientaliste Saint-
Réault, qui vit et prospère à l'ombre de cette renommée de famille
qui est son unique titre de gloire, et nous aurons clos la liste de
ces personnages sérieusement ridicules. Les autres apparaissent
plutôt pour le décor : un poète incompris traverse la scène plutôt
qu'il ne l'occupe ; toute une collection de Bélises de second ordre
s'empresse autour du professeur Bellac etse récrie avant même qu'il
ait parlé. Une pédante comme Mm° de Céran, qui a un beau châ-
teau et ses entrées chez des ministres, crée naturellement autour
d'elle toute une collection d'autres pédantes jalouses de l'imiter.
Vient maintenant le parti du sens commun : dans la pièce,
comme dans le monde, il est le moins nombreux, ce qui nel'empêche
point d'être le plusfort. D'abord le jeune couple Raymond, ce eu-