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                         FRA SALIMBENE                              345
années qu'il avait passées à Pise, l'avaient attaché à cette ville, et
 il le dit lui-même : « J'ai habité quatre ans à Pise dans le couvent
des Frères mineurs, et c'est pour cela que je plains les Pisans, et
que je m'attriste sur le sort de Pise. » Ces continuels changements
de résidence lui attirèrent, au retour de sou second voyage en
France, une verte réprimande du frère Jean de Parme, ministre
général de l'ordre, et il reçut Ferrare comme résidence fixe : « J'y
habitai pendant sept ans. sans bouger », nous dit-il d'un ton navré.
Désormais il voyagea moins et il ne quitta plus l'Italie.
    Après son humeur voyageuse, ce qui frappe le plus en lui lors-
qu'on lit sa Chronique, c'est sa prédilection fort viv J et cependant
contenue, pour la bonne chère et le bon vin. Il dénonce les prélats
de son temps qui buvaient d'excellent vin devant leurs subordonnés
sans les appeler à en goûter. Tous les gosiers ne sont-ils pas frè-
res? « Omnes gule sunt sorores. » Je crois quejamais le vin de Cha-
blis n'a eu d'amateur plus enthousiaste que Salimbene : « C'est un
vin blanc et quelquefois doré, odorant et réconfortant, et qui pro-
cure à ceux qui en boivent une douce quiétude. Aussi peut-on lui
appliquer le Proverbe 32 : Qu'ils boivent et qu'ils oublient leurs
douleurs/ d fut une grande privation pour lui, lorsqu'il entra
en religion, que d'être réduit à une nourriture par trop simple et
monotone. Aussi, pour se consoler, nous tient-il au courant des
bonnes aubaines qu'il eut dans la suite. Il nous donne par exem-
ple le curieux menu du repas que saint Louis offrit,, avec une ma-
gnificence royale, aux frères mineurs qui avaient assisté au cha-
pitre général de Sens. Ses plus fortes préventions contre les gens
ne résistaient pas à l'offre d'un bon dîner. Il avait parlé très libre-
ment k Lyon, devant le cardinal de Fiesque, neveu d'Innocent IV,
du cardinal légat Ottaviano. Mais plus tard ce même cardinal l'in-
vita plusieurs fois à sa table et le traita fort bien. « Dès lors, nous
dit Salimbene, je commençai à l'aimer », et il trouve dans l'Ecri-
ture l'explication de ses nouveaux sentiments : « Conformément ù
cette parole du Proverbe 19 : Bien des gens cultivent les puis-
sants et sont les amis de ceux qui distribuent les faveurs. »
    Il y a un point délicat qu'il importe d'aborder, parce que la ques-
tion se posera d'elle-même dans l'esprit de tous ceux qui liront la
Chronique, c'est la question de savoir si Salimbene, à une époque