page suivante »
338 LÀ R E V U E LYONNAISE
dans une compilation nouvelle, et le manuscrit autographe de
notre auteur resta seul et unique. Telle est la grande raison de la
longue obscurité de frà Salimbene. 11 est bien évident qu'un ou-
vrage dont il n'existe qu'un seul exemplaire court le plus grand ris-
que de rester longtemps, sinon toujours, ignoré.
Ce manuscrit autographe i est aujourd'hui à Rome dans la bi-
bliothèque du Vatican, où il porte le numéro 7260.
En 1857 la Chronique de Salimbene a été pour la première fois
éditée à Parme, ville natale du chroniqueur. Mais cette édition,
exécutée d'après une mauvaise copie moderne du manuscrit du
Vatican, n'a réussi qu'à donner une idée incomplète de la Chro-
nique a un petit nombre d'érudits. En attendant qu'une nouvelle
édition, à laquelle on songe de différents côtés, en France et en
Allemagne, vienne achever l'œuvre delà première2, nous vou-
drions essayer ici de faire connaître, d'après le manuscrit du Va-
tican, que nous avons eu entre les mains, ce curieux monument
de la littérature historique du moyen âge.
La chronique de Salimbene comprend l'histoire de la plus grande
partie du treizième siècle. C'est sans contredit une des époques les
plus intéressantes de l'histoire générale, une époque de véritable
renaissance dans les idées, dans les lettres et dans les arts, sur-
tout en Italie '2 : au moment où Salimbene écrivait, Giotto et Dante
avaient vingt ans.
Les luttes du sacerdoce et de l'empire, la création des ordres
mendiants, la domination de Charles d'Anjou dans les Deux-Siciles,
en France le règne de saint Louis, attirent tour à tour l'attention.
Salimbene, quoique Italien, ne laisse pas de nous tenir au courant
des affaires de France, dont il put juger par lui-même pendant les
deux années qu'il passa à , voyager dans notre pays (1247-1249).
Il était même un peu rattaché à la France par des liens de famille :
un de ses frères était allé s'établir à Toulouse, il s'y était marié et
y était mort père de famille : « Le quatrième fils de mon père, né
de sa concubine Rechelda, fut appelé maître Jean : Ce fut un bel
1
J'ai démontré qu'il était autographe (V. De f'ratre ijatiuibene etc., p. 9).
2
« On doit toujours se rappeler qu'en Italie le mouvement de la Renaissance avait
été préparé de longue main, et qu'il commence en réalité au XIII° siècle. » G. Mo-
nod, article de la Reçus historique) janvier 1876, p. 7, en note.