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ANCIENNE ABBAYE DE GLUNY 219 Cette splendide bibliothèque pillée de fond en comble par les cal- vinistes paraît ne s'être jamais relevée de ses ruines. Du reste à cette époque, la vie s'était retirée du monastère de Cluny ; ce n'é- tait plus, depuis longtemps, ce flambeau lumineux et brillant qui éclairait la chrétienté de sa vive et bienfaisante lumière ; « ce n'était plus cette célèbre école où l'on voyait accourir de tous les Etats de l'Europe, non seulement les jeunes gens désireux de fortes et brillantes études dans les sciences divines et humaines, mais encore les maîtres les plus célèbres qui se sentaient attirés vers le foyer de lumière le plus éclatant qui fût alors au monde comme aujourd'hui vers la capitale de l'intelligence •> (Gluny au onzième siècle, par l'abbé Gucherat). Mabillon ne nous a-t-il pas appris avec quel zèle on se livrait à Cluny à l'étude de l'histoire civile ?« Les moines, dit-il, transcrivaient pour la postérité les monuments historiques des anciens et rédigeaient les chroniques contemporaines» ; puis, il ajoute qu'on venait non seulement leur demander des évêques, mais aussi des professeurs pour les écoles cathédrales. Anselme deCantorbèry, l'ami du grand saint Hugues, de Gluny, ne recommanda-t-il pas au moine Maurice « de s'ap- pliquer autant qu'il pourra à lire Virgile et les autres auteurs de l'antiquité, à l'exception de ceux qui sont immoraux ? » « Quel intéressant mouvement, dit aussi M. l'abbé Gucherat, dans le Scriptorium ouvert aux seuls copistes (amanuenses) ou au bibliothécaire (armarins) ! Voyez ces religieux devenus artistes, tout à la fois par vocation divine, par obéissance et par amour. L'un prépare ou dispose ces belles feuilles de papier vélin dont nous admirons encore la blancheur et la netteté ; un autre y trans- porte, d'une main sûre et rapide, le texte qui lui est confié, réser- vant .avec soin la place des majuscules et autres ornements. Ce- lui-ci recueille successivement ces feuilles détachées les unes des autres, révise le travail, corrige les fautes et rapproche les feuilles; celui-là consacre des jours, des mois, des années à enrichir le vo- lume de grandes lettres, de vignettes et d'enluminures et le Chro- nicum cluniacense nous a conservé les noms de plusieurs religieux qui se sont signalés dans ce genre d'ouvrage. » Mais tant de trésors si pieusement amassés pendant le long temps de plusieurs siècles ont été anéantis presque tous dans un seul jour,