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     Jusque vers 1850, Perrin n'avait été qu'un « imprimeur », un techni-
cien remarquable dont les mains façonnaient de délicieuses choses ; mais il
n'avait encore songé qu'à ceci : imprimer de beaux livres, faire que cet art
charmant de la typographie ne fût pas seulement œuvre aimable des doigts,
placement soigneux de petits prismes de métal sur un composteur, gracieux
arrangements de petits espaces en des pages bien agencées. Cela, c'est ce
que fait l'imprimeur habile ; l'imprimeur artiste, lui, a d'autres soucis : il
voudrait que les livres sur quoi il besogne tant qu'il peut fussent autre
chose encore ; il voudrait que le caractère avec lequel un livre est imprimé
fût en parfaite harmonie avec le sujet qu'il traite ; qu'une oraison funèbre
ne fût pas composée avec une lettre frivole, ni une poésie légère avec un
lourd didot. Ce qu'Edouard Pelletan, quarante ans plus tard, sentit avec
tant de force et réalisa avec tant de bonheur, Perrin l'avait senti lui-même
avec la plus parfaite netteté.
      Un peu avant 1850, en effet, l'occasion vint pour lui de donner toute la
mesure de sa parfaite compréhension de la typographie. En 1846, Alphonse
de Boissieu achevait la rédaction de son livre Inscriptions antiques de Lyon.
Or, déjà, on ne jurait guère que par Perrin, à cette époque-là, dans le céna-
cle des bibliophiles lyonnais ; il ne pouvait venir [à la pensée de Boissieu
qu'un autre que lui pût imprimer son livre. Perrin, lui, pensa que tout ce
que ses casses renfermaient de capitales dites romaines ne pouvait convenir
au livre d'Alphonse de Boissieu. Très simplement, d'un geste digne de
l'antique, Perrin prit son crayon, il alla au Palais des Arts, et là, vingt
fois parcourant le vieux cloître des Nonnains de Saint-Pierre, scrutant les
pierres tombales, les sarcophages, les plaques dédicatoires, s'inspirant à
cette pure source des formes antiques, il dessina des lettres. Et c'est de ce
labeur de quelques mois que sortirent ces belles capitales augustales qui
firent l'admiration des lettrés de cette époque.
     M. Marius Vachon (Les Arts et les Industries du Papier en France, Paris,
p. 45) raconte à sa façon la tentative de Perrin. « Vers 1846, dit-il, un impri-
meur lyonnais, Perrin, faisait graver pour les Inscriptions antiques de Lyon,
de C. de Boissier (Alph. de Boissieu), des capitales augustales. Le didot ne