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mate habile, il s'était acquis l'affection aveugle de ses soldats et l'amitié
même des Turcs. Bienveillant et affable envers ses hommes, « moyen puis-
sant entre les mains d'un général pour remporter victoires et succès » J,
Philanthropène était, en effet, un admirable conducteur d'hommes. Il
savait s'attacher le soldat, par son courage et son désintéressement. Le
premier au danger, il était le dernier au partage du butin, « se contentant,
comme richesse, de la gloire, de ses victoires et des couronnes qu'on lui
tressait à cette occasion3 ». Aussi était-il adoré de ses troupes.
      Il n'était guère moins estimé des Turcs. Philanthropène avait immé-
diatement vu l'impossibilité pour lui d'arrêter leur avance avec ses seules
troupes, si valeureuses fussent-elles. En diplomate avisé, il modela sa
conduite sur celle des Turcs. Voulaient-ils la guerre ? Il était prêt aussitôt et
«la victoire aux ailes d'or, voltigeant à ses côtés»3 le couronnait sans tarder.
Les Turcs désiraient-ils, au contraire, la paix ? Ils ne trouvaient personne
plus disposé que lui à mettre bas les armes. Car — chose rare, à cette épo-
que, chez un général victorieux et adoré de ses soldats — il ne faisait pas la
guerre pour la guerre. Loin d'ignorer et de mépriser les joies de la paix, il
déclarait que guerroyer sans arrêt n'était pas le but de l'existence 4. Aussi,
chaque fois qu'il le pouvait, évitait-il une campagne. Les Turcs appréciè-
rent bien vite son pacifisme ; ils connaissaient, de plus, sa tolérance et sa
générosité; aussi, bon nombre d'entre eux lui offrirent-ils spontanément
leur soumission. Accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, ils
vinrent s'établir dans son gouvernement et entrèrent, le plus souvent, dans
son armée.
      Aussi, au début de 1296, l'Asie Mineure était-elle assez calme. Philan-
thropène jouissait de la faveur des basileis ; ses soldats lui étaient tout
 dévoués. Il venait d'être père d'un fils 5. Il avait tout pour être heureux.
 Mais il était jeune encore, et sensible à la flatterie, et « toute vie humaine
 est faite de joies et de douleurs » 6. Le bonheur de Philanthropène devait
 être de courte durée.



    1. N. Grég., VI, 8.— 2. M.Plan.,let. 107. — 3. Id., let. 113.
    4. Id., let. 98 et 99. — 5. M. Plan., let. 120. — 6. N. Grég., VI. 8.