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LETTRES DE L'ÉCOLE NORMALE 403 écrire un peu mieux. Ce ne serait pas à moi à lui dire cela aujourd'hui, car je griffonne de mon mieux, mais je suis très pressé et je veux écrire quelques mots à mon frère. J'écrirai bientôt à M. Touche à Rome, en même temps qu'à un de mes anciens camarades de l'Ecole qui y est maintenant, M. Hernshein. Il m'a écrit déjà une fois, malheureusement les ports sont très chers, et cela nous interdit une correspondance plus active. Figurez-vous, mon père et ma mère, que depuis cette année j'ai un paquet de lettres qui fait l'épaisseur de trois doigts lorsqu'elles sont déployées. C'est énorme, et chaque jour cette correspondance devient plus considérable, que sera-ce donc dans quelques années, lorsque j'aurai des occupations publiques et bien plus des connaissances encore? Tout cela est utile, car je n'ai point de correspon- dance futile, tout y est sérieux et important et me sera d'un grand profit un jour. Edmond Delphin m'a écrit il y a quelque temps une charmante lettre, je lui répondrai dans peu de jours. Je crois que dimanche prochain je dînerai chez M. de Pran- dière. J'y devais dîner hier, mais je n'ai pas pu. Les jeunes gens sont très aimables et fort bons musiciens. Vous atten- dez le mois de septembre, et moi donc! ces deux mois vont me paraître des siècles. Hélas ! cependant le temps court bien vite : déjà presque deux ans que je suis à l'école et plus que 14 mois à y rester. Cela me semble un songe. Dans 14 mois une chaire, des élèves, deux classes par jour, des mamans qui viendront me prier de ne pas mettre leurs fils à la retenue, peut-être un discours à faire à la distribu- tion des prix, dans cette grande robe noire qui donne un air si drôle ! Mais dans ces 14 mois que j'ai de choses à faire pour mè rendre digne de ces fonctions ! Il me semble