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                             LAMARTINE                             333

   Le Dernier Chant du Pèlerinage de Childe-Harold n'échappe
même pas à ce défaut, bien que le sujet soit moins stérile.
On connaît l'œuvre singulière de Byron, et que Childe-
Harold n'est autre que le poète lui-même, qui, ayant
délaissé l'Angleterre comme tout bon Anglais, promène,
dans quatre chants successifs, en Portugal et en Espagne,
en Grèce et à Constantinople, ensuite dans les plaines
fraîchement ensanglantées de Waterloo, sur les bords du
Rhin, sur ceux du Léman, enfin en Italie, son ennui, sa
misanthropie, sa philosophie de grand poète, sa verve
éblouissante, en un mot, son génie. Lamartine a pris
l'œuvre où son auteur l'avait laissée, et a imaginé de la
compléter en racontant, dans un dernier chant, les aven-
tures de Byron en Grèce, et sa mort (8). Il l'a fait, comme
on peut penser, avec un grand éclat, sa noble imagination
s'excitant à la fois de l'intérêt que l'Europe prenait à la cause
des Grecs, et de celui qu'elle prenait aussi à l'existence
orageuse du Don Juan britannique. Mais Lamartine ressem-
blait vraiment trop peu au devancier qu'il s'était choisi, et
son cinquième chant ne peut être lu impunément après les
quatre autres. Le génie de Byron, capri:ieux, vif, plein
d'imprévu et de grâce, excelle à revêtir du tour le plus
inattendu et parfois le plus piquant, la profondeur de la
pensée ; surtout il est preste, prompt, alerte, il tient son


rente de celle d'André Chénier. La poésie de ce dernier, remarquée
plutôt qu'acclamée à son apparition, n'a cessé de grandir depuis ; c'est
qu'elle n'est jamais une thèse philosophique mise en vers : elle est de
la poésie pure et simple, une poésie de dilettante, singulièrement vraie
dans son triste caractère païen.
   (8) Byron était mort de la fièvre à Missolonghi, au printemps de
1824. Cet homme ne méritait pas de mourir sur le champ de bataille.