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332 LAMARTINE La Mort de Socrate, et surtout le Dernier Chant du Pèleri- nage de Childe-Harold, qui ont été réunis depuis aux Médi- tations, vinrent heureusement attester, en 1824 et en 1825, que le poète était encore capable de s'appliquer, et que cela suffisait pour que la source merveilleuse qui était en lui recommençât de couler. Dans la Mort de Socrate, il repre- nait, pour lui donner toute son ampleur, l'éternel thème platonicien del'épître à lord Byron.Le récit de l'événement ne lui est qu'un prétexte de chanter à nouveau l'Hymne de la RAISON, et il s'emploie de son mieux à amplifier, à élever, à interpréter magnifiquement la doctrine de Platon sur la destinée humaine. Les lueurs fugitives de la raison antique deviennent chez le poète moderne — et chrétien, quoi qu'il veuille, —un beau foyer lumineux. Toutefois, ce n'est encore là que de la philosophie d'école, et cet éclat réjouit l'œil plutôt qu'il n'éclaire l'esprit ; oserai-je pro- noncer une aussi dure sentence sur des vers aussi doux ? il arrive bientôt qu'on s'y ennuie, comme à tous les spectacles qui ne parlent qu'aux yeux. Je vis de bonne soupe et non de beau langage, a dit Molière, en un vers que Lamartine, qui ne comprenait pas La Fontaine, eût vraisemblablement dédaigné ; l'apho- risme est pourtant si vrai, qu'il s'applique aussi à la nourri- ture de l'esprit ; la philosophie est une viande trop creuse pour que, même merveilleusement accommodée, et servie sur une table magnifique, on y puisse longtemps tromper sa faim. Je ne sais rien de décevant comme ces effusions interminables de Lamartine, qui ont toujours l'air de recom- mencer (7). (7) Par là , Lamartine a eu et devait avoir une destinée toute diffé-