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56 LE PREMIER AMOUR sommet de l'énorme muraille calcaire, taillée à pic, au bas de laquelle coule le Chassezac. Nous descendîmes d'une hauteur d'environ vingt mètres par une crevasse obstruée d'arbustes et de plantes grimpantes, jusqu'à une sorte de terrasse, entièrement recouverte par un énorme figuier sauvage, sur laquelle une dizaine de personnes auraient pu Couver place. C'est ici l'église, dit la vieille, depuis trois ans; on y dit rarement la messe, mais voici la place où l'on baptise, où l'on marie, où l'on confesse. — Et le presbytère, où est-il ? — Attendez! je vais en chercher la clé. La vieille s'approcha d'une fissure du rocher, écarta les branches et les feuilles mortes qui la remplissaient, et en retira une corde au bout de laquelle fut suspendu son panier de provisions, après toutefois qu'elle eût prévenu l'abbé de notre présence au moyen de quelques cailloux jetés en bas. Le panier remonta bientôt vide avec ce mot tracé sur la feuille où j'avais écrit mon nom : l'échelle. — Oh! le pauvre cher homme, dit la vieille, voilà bien des fois qu'il fait cet exercice périlleux; il est vrai qu'il n'a guère amassé de graisse et que la vie sauvage qu'on l'oblige de mener l'a rendu singulièrement agile. La vieille creusa plus profondément les branchages et les feuilles sèches de la fissure de rocher, et en tira une échelle de corde, terminée par un gros et solide crochet enfer qu'elle passa à la base du figuier. Elle jeta ensuite l'échelle et quelques instants après nous vîmes un véritable spectre surgir de l'abîme. C'était l'abbé. Comme il avait blanchi, le digne homme ! Mais l'expression de son visage exprimait uniquement à cette heure le plaisir de revoir un ami. Il m'embrassa avec effusion, me demanda des nouvelles de