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96                    D'APRÈS NATURE

yeux bruns étonnés, ses traits réguliers et un air doux
et niais qui plaît toujours ; puis il l'avait vue rougissante
et émue à son aspect, et le Toine, dans ses vingt ans, s'était
cru amoureux.
    Le père Desgaud l'avait bien aperçu rôdant dans les en-
virons, mais il pensait aux deux filles de la ferme et à la
grande blonde du père Martin; cela ne le regardait pas et il
répondait toujours honnêtement aux saluts respectueux de
ce beau garçon que l'on disait travailleur.
    Maintenant, il n'en était plus de même ; le vieux vigne-
ron n'entendait pas lui donner sa fille en mariage ; il lui
fallait un gendre qui eût du bien au soleil et pût faire une
bonne maison ; sa Benoîte aurait en contrat deux belles
terres lui venant de sa mère et six cents francs péniblement
amassés et cachés sous les draps dans la vieille armoire en
noyer. Il fallait donc, à tout prix, éconduirc le Toine, et
c'est à lui qu'il en voulait n'osant rien dire à sa fille, par
prudence sournoise, se doutant bien qu'il ne saurait lui
exprimer les choses comme il les sentait.
    Il était au bout du pré, plongé dans ces réflexions, quand
la Benoîte se mit à l'appeler : « Père, oh ! père ! » Le maître
venait d'arriver pour visiter le vignoble avec un jeune avo-
cat de la ville, qui voulait faire prochainement une confé-
rence sur le phylloxéra.
    Desgaud accourt, heureux de cette diversion à son souci;
 il allait montrer ses vignes, ses chères vignes; c'est son
 triomphe, il y met une modestie hypocrite d'auteur et sait
 bien que, quoiqu'il dise, son vigneronnage est des mieux
 tenus ; du reste il lutte courageusement contre tous les
 bicêtres qui se sont abattus depuis quinze ans sur le Beau-
 jolais. — Bicêtres lisez malheurs, gelée, grêle, pyrale,
 mildew, etc.
     Le voilà, silencieux d'abord, regardant en dessous le