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D'APRÈS NATURE 97
bourgeois étranger qui pose des questions à tort et à tra-
vers; puis, peu à peu, il s'enhardit, et, sûr de son effet, il
explique tout, et volontiers, cherchant souvent ses mots,
parlant lentement, mais en même temps avec l'autorité de
l'expérience.
Il montre les taches du phylloxéra ; ces ronds si tristes
de ceps rabougris et morts, au milieu des autres encore
pleins de sève ; hélas ! le rond ira chaque année en s'élar-
gissant; mais, à côté du mal le remède : les plants améri-
cains, le cynthiana dont la frondaison luxuriante fait dire
aux malins paysans que c'est grand dommage qu'on ne les
plante pas pour la feuille; et les chapons greffés, et les
vignes de deux ans, et le sulfure.
Comme il disait au maître qu'il venait de faire la seconde
façon, il fallut expliquer au monsieur comment on travaille
la vigne : la taille, la première façon qui fait ressembler les
vignes à des terres labourées par un soc puissant; puis la
seconde façon qui aplanit tout et comment, après la fleur,
on attache les sarments en berceau.
Pendant ce temps la Benoîte, après avoir gardé bien
distraitement la Noire, la Bise et la Bardelle, vint s'habiller
pour aller à vêpres ; elle mit sa robe de drap marron, son
mantelet de cachemire et son chapeau de paille noire alourdi
par deux gros noeuds de velours; comme tous les diman-
ches, elle prit son livre de messe, bien usé depuis sa pre-
mière communion, quoiqu'elle n'eût pas souventlu dedans;
il était imprimé en caractères trop fins.
Elle ferma alors toute la maison et cacha la grosse clet
entre le tronc du vieux saule et le mur.
Quand elle arriva dans le chemin creux,' après le petit
pont, elle ne fut pas surprise autrement de voir le Toine
qui l'attendait patiemment; non, elle n'était pas surprise,
et cependant elle ne savait pas qu'il serait là , elle n'y avait
N° 2. - Février 1886. . 7