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300              L'EXPOSITION RÉTROSPECTIVE
    Approchez et regardez, vous serez aussitôt saisi et vive-
 ment impressionné : 1814! Le livret est concis comme
  une page du maître. Mais que de souvenirs et de pensées
 réveillera vue des quelques personnages qui vivent sur
 cette toile et ce seul millésime, dont vous songez à peine
 à contester l'exactitude ! Comme l'on comprend vite que
 l'on a devant ses yeux le spectacle d'un drame douloureux
 où s'agitent les destinées de la France !
    Au premier plan, Napoléon, soucieux, pensif, et cher-
 chant encore, dans les prodigieuses ressources de son
 génie, quelque nouveau moyen pour réparer l'échec que
 les éléments,'plus que les calculs humains, viennent d'in-
 fliger à sa fortune. Derrière lui, quelques-uns des chefs
 illustres des grandes guerres de l'Empire et aussi quel-
 ques soldats de sa garde ; au second plan, une tête de
 colonne à demi cachée par le brouillard du nord ; plus
loin encore, se devine ce qui reste de la Grande Armée.
 En voyant toutes ces figures tristes et vivantes comme
des portraits, tous ces personnages brisés par les fatigues
d'une retraite longue et pleine de périls, on sent qu'un
 grand désastre a frappé la plus brillante réunion de sol-
dats qui ait marché jamais à la suite d'un grand capitaine.
    Mieux que toutes les théories sur l'art, ce tableau, le
plus beau de l'exposition, à notre avis, nous démontre, de
la manière la plus saisissante, que la couleur seule ne
peut réaliser l'idéal du peintre accompli. Supposez cette
retraite de Russie peinte à la manière de Delacroix dans
son Entrée des Croisés à Constantinople, éprouverait-on
les mêmes impressions ? Devant l'œuvre de ce dernier
le plaisir dépasse-t-il les sens pour aller jusqu'à l'âme ?
Admire-t-on autre chose que la vigueur du pinceau et la
richesse du coloris ?
    C'est ainsi qu'en réunissant trois qualités précieuses :