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LA CROIX DU MONT-THOU 3b cieux que son souvenir seul suffirait pour faire revenir à Saint-Fortunat. Après le repas, nous remontons larue que nous avions descendue tout à l'heure et nous reprenons le chemin qui nous y a amenés; de ce dernier se sépare, à notre gauche, une rampe qui passe au dessus de carrières abandonnées. C'est par là que nous regagnons la route un peu avant le cimetière de Saint-Fortunat. A l'angle même du champ de repos est le sentier qui conduit au Mont Thou. Il commence par monter doucement entre des haies pendant que des noyers, les derniers que nous rencontrerons de ce côté du Mont d'Or, arrondissent leurs cimes en avant de la montagne et lui font un cadre gra- cieux. Quand on a dépassé ces beaux arbres, on est en face d'un paysage dont la nudité vous frappe : sauf les petits bois qui couronnent la montagne entre la Roche Saint- Fortunat et le Mont Thou, pas un arbre n'est en vue ; quel- ques buissons seulement rompent l'uniformité des prai- ries qui s'étendent devant nous et coupent en tous sens le mamelon du Narcel qui s'élève à notre gauche en avant du Verdun qu'il nous a presque toujours caché depuis Vaise. Il n'y a plus trace d'habitation, la route est loin et ce n'est qu'à de rares intervalles que l'on rencontre un berger ou quelque carrier avec son grand tablier de cuir. C'est la solitude, le désert presque, mais sans tristesse, parce que la contrée est accidentée et que la végétation ne fait pas défaut. Dans la belle saison, quand on a atteint la partie en- tièrement découverte du chemin, le crest du Thou et la croix qui le surmonte se détachent, éclatants de lumière sur l'azur du ciel ; aji printemps comme à l'automne, quand de lourdes nuées grises envahissent l'espace, la