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232 VIVE LA. FRANCE ! devenir sa malheureuse mère? Elle ne résistera pas à cette immense affliction!... X Vers les derniers jours du mois de mars, les bourgeons éclataient sous les chaudes étreintes du soleil ; les pre- miers parfums du printemps se répandaient dans l'air tiède ; le pinson hasardait sa chanson joyeuse ; la nature enfin sortait de sa longue léthargie pour reprendre sa vie embaumée, sa grâce ancienne et nouvelle, sa force ra- dieuse, comme pour dire aux désespérés : t J'étais morte, — mais je ressuscite; à plus forte raison, la France, qui n'a jamais été couverte d'un linceul, la France se relèvera! — Dans la jolie petite cour de François et de Jeanne, on entendait les coqs, fièrement gaulois toujours , — ne se regardant point comme vaincus par la force brutale des loups étrangers, — on les entendait, dis-je, saluer de leurs vivats sonores ce réveil de la nature, au milieu de salu- taires émanations champêtres. Jeanne était assise près de sa fenêtre basse, et regardait tristement sans voir; son âme était ailleurs! on recon- naissait à peine son visage pâli. Depuis la mort de Julien, la pauvre mère s'en allait vers la tombe. François ne la quittait pas, dévoué à cette ombre chère que l'amour ma- ternel devait tuer ; — les mères souvent ne meurent pas d'autre chose. Mais bientôt le chien de ferme aboie... On frappe à la porte. — Entrez ! crie le vieux soldat. / 0 terrible émotion ! C'est un jeune homme en habit de mobile, à peu près de la taille du fils tant regretté... C'est un de ses anciens camarades du village voisin, un brave jeune homme digne de l'amitié de Julien; il a perdu un bras à Montretout... Il s'avance, triste et pâle, vers les deux vieillards... Cen est trop, grand Dieu ! et Jeanne, plus chancelante que jamais, se trouve mal et tombe dans les bras de son