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38 LES CHASSEURS DE RENNES. Accroupi à la porte de notre gourbi, il venait de fabri- quer une vingtaine de sifflets avec des phalanges de rennes. Joignant la pratique à la théorie, il voulait avoir la confirmation solennelle de son système sur la musique quaternaire, et attendait mon retour avec une fiévreuse impatience pour en faire l'épreuve. Il me fit asseoira ses côtés et commença un concert de l'autre monde. Ce n'é- tait point la musique de l'avenir ; au contraire ! mais elle n'en valait pas mieux pour cela. On sortit des cabanes à ce bruit inusité et l'on fit cer- cle autour de nous. La surprise beaucoup plus que l'ad- miration était peinte sur tous les visages. Le docteur soufflait et sifflait avec rage. Ce prélude terminé, mon savant ami engagea les gens qui l'écoutaient à en faire autant. La réponse fut unani- me : « Nous ne savons pas ?.... » Je regardai le docteur ; il rougit un peu. — Eh bien ! s'écria-t-il, prenant bravement son parti de la mésaventure : L'harmonie à l'âge du renne ira re- joindre la glyphœa Claudiœ. Maintenant, causons un peu de votre promenade matinale. Qu'avez-vous vu ? Je lui racontai ma visite à I-ka-eh. — Vous êtes fou ! s'écria le docteur, trois fois fou et nous sommes perdus ! Comment ! à peine arrivé ici vous voilà mêlé à une intrigue de cour, quand il était de notre devoir de garder la plus stricte neutralité et la plus entière indépendance! 0 jeunesse imprévoyante ! Et vous venez me demander conseil ! Mais que voulez-vous que nous fassions entre Patte-de-Tigre, maintenant votre mortel ennemi, et I-ka-eh, une petite pécore, à demi-sauvage, mal élevée et despote ? — Vos craintes sont exagérées, puisque la protection d'I-ka-eh nous est assurée.