page suivante »
LES CHASSEURS DE RENNES. 301 rocher, c'est le chaos de la nature tourmentée par les cataclysmes du vieux monde; c'est l'infini d'un horizon immense. Ici les collines mâconnaises, brisées et soule- vées comme des proues de navire ou comme les flots d'une mer pétrifiée; là bas les plaines bressannes, vertes, brumeuses, donnant l'illusion de l'Océan avec leurs gran- des lignes d'horizon qui se perdent dans le ciel bleu ; puis, émergeant çà et là , quelques pics neigeux des Alpes et la grande silhouette du Mont-Blanc. Plus près enfin, la Saône, un Nil français, qui chaque année verse avec ses limons la fécondité sur les vastes plaines où elle coule. Il y a de tout là dedans. Pour vous, géologue, il y aurait surtout une infinie variété de roches présentant leurs tranches comme les feuillets d'un livre entr'ouvert pour la plus grande commodité des lecteurs; et vous auriez la joie, en admirant les splendeurs de la nature contempo- raine, de fouler aux pieds tout un vaste monde d'êtres morts et de dépouilles mille fois séculaires. Vous verriez nos enfants se rouler au soleil sur les plages desséchées des vieux océans, et faire leurs premiers jouets des co- quilles pétrifiées des mers jurassiques. Quels contrastes ! et quels horizons plus grands encore pour l'esprit que pour les yeux ! II Les hasards de la chasse m'avaient donc amené ce jour-là au pied du rocher de Solutré. La fatigue et la chaleur donnaient un charme tout particulier à l'abri où je m'étais réfugié, et je m'y installai décidé à laisser pas- ser les heures les plus chaudes. J'allumai ma pipe et je m'étendis tout du long sur le dos, la tête un peu relevée, pour voir du coin de l'œil la ligne brumeuse et bleuâtre