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1E PAGE DU BARON DES ADRETS. 421 satinée que le soleil avait rarement mordu de ses rayons et dont les reflets appartenaient plutôt à ces vierges du cloître qui vivent sous de hautes voûtes, qu'aux femmes du monde que les soins de la famille appellent conti- nuellement dehors. Un escoffion ou bonnet blanc et coquet était surmonté d'un chaperon noir qu'un coup de vent ou le roulis de la foule avait imperceptiblement penché de la manière la plus ravissante. Tout indiquait chez cette jeune femme la modestie et la vertu et cepen- dant elle n'avait pas le calme et la placidité de la bour- geoise riche et fièvre. Son regard inquiet errait à l'aven- ture, se portant avec rapidité du balcon où se penchaient des curieux, à l'allée d'où sortait un bourgeois, et d'un groupe qui riait aux éclats, au riche négociant qui pas- sait fier dans sa casaque voyante. Une chose aurait aussi frappé l'observateur, c'est que, malgré ses vêtements de femme mariée et les deux suivantes qui marchaient plus souvent à ses côtés qu'à sa suite, comme des filles bien stylées auraient dû le faire, son œil naïf et doux, sa bouche pure aux suaves contours, lafinessede sa taille, la souplesse de son marcher, enfin un air incroyable de jeunesse, de malice et de gaieté, la faisaient ressembler plutôt à une bachelette déguisée qu'à une matrone char- gée des rudes soucis que donnent un mari, une famille et une maison. De ses deux servantes, l'une, de taille moyenne et bien prise, portait, avec une aisance du meilleur ton, un corset de drap rouge qui laissait entrevoir son second vêtement d'autre couleur ; un jupon noir un peu court permettait d'admirer un pied d'une petitesse extrême ; sa coiffure était celle des jeunesfillesdu Lyonnais. Deux