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422 LE PAGE DU BARON DES ADRETS. barbes se rejoignaient derrière la tête, laissant gonfler un nœud énorme de cheveux noirs. Sur le front, une multitude de petites boucles frisées rappelait ces coif- fures singulières des rois égyptiens. Une escarcelle, peut-être un peu trop neuve, pendait à sa ceinture. A son bras était un panier qu'elle penchait, agitait, changeait de place, comme un objet gênant et inaccoutumé. S&s grands jeux bleus reflétaient, dans leur douceur, la fran- chise, l'intelligence et la résolution. Ëtait-ce illusion? mais on eût dit volontiers que dans sa feinte humilité, c'était elle qui dirigeait ses compagnes, et que sa belle maîtresse l'interrogeait souvent avant d'agir. Aussi jeune et aussi jolie, la seconde suivante pa- raissait obéir passivement, n'offrant, comme trait sin- gulier, qu'une grâce charmante, des traits mignons, des cheveux blonds superbes et de petits gestes de co- lombe effarouchée, rarement usités chez les courageuses jeunes filles qui, nées dans les champs, ont quitté ie chaume paternel pour apprendre le service dans la grande ville et s'amasser la dot qui doit leur procurer un mari. En temps ordinaire, ce joli groupe eut été certaine- ment remarqué et suivi par tous ies pages malins, les écuyers entreprenants, les jeunes bourgeois oisifs qui pullulent dans les cités, mais en oe moment, il passait inaperçu. L'émeute grondait, la foule allait et venait, émotionnée et irritée et dans les esprits que la politique agite, il y a peu de place pour la curiosité et l'amour. La mort des trois catholiques faisait bouillonner des pensées de fureur chez leurs malheureux coreligion- naires; des serments de vengeance, trop fidèlement