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LA S0AVI0LA. 441 Plus ils restaient ensembje, plus le besoin de s'aimer s'é- veillait en eux , et sans s'être avoué ce sentiment, ils sa- vaient qu'il était également partagé. Ils s'apprirent mutuellement leurs noms. — Je m'appelle Etienne, dit le jeune lieutenant. — Je m'appelle Stella, dit la jeune fille. El l'écho avait doucement répété : — Etienne... Stella... comme pour consacrer l'union de ces deux noms, au milieu du silence religieux de la nuit. Le moment des épanchemenls était venu. Etienne dit h Stella, avec l'accent sincère et naïf qui lui était propre, la touchante histoire de son passé. La jeune fille, qui ['écoutait avee un intérêt visible, laissa tout à coup échapper une exclamation, lorsqu'il lui apprit qu'il était lieutenant dans les douanes. Mais eile maîlrisa bientôt ce mouvement de surprise ou de regret, et il poursuivit son récit jusqu'à la fin, sans être in- terrompu. Quand it l'eut terminé, il pria Stella de lui dire aussi qui elle était. Elle soupira, et, après avoir hésité un instant, elle répon- dit ainsi : — « Je suis Vénitienne. Mon père, proscrit et dépouillé de la grande fortune dont il avait été possesseur, vint, il y a quelques années, s'établir au pied des Àlpcs, avec mes trois frères et moi. Un ami de notre famille nous y reçut et nous abandonna généreusement la maison isolée qui nous sert d'habitation. « Mes deux frères aines moururent bientôt, ne pouvant surmonter les tristesses de l'exil et les regrets de la patrie absente. Plus jeune qu'eux et d'un caractère plus ferme peut- être, je fus moins atteinte par le malheur ou je sus mieux le dominer. Je vécus pour consoler mon père et pour rempla-