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516 L'AFFÛT DU LOUP BLANC. que, qui allait et venait, la langue pendante, les crocs lui- sants. — Hem! fit Grenaille, Bricolo, mon ami, en voilà un qui mangerait volontiers une côtelette de chien ou un râble de chrétien- Brrrou ! quel dentier !... En vain Grenaille se raidissait contre la peur, la peur le prenait. Ce n'était pas sa faute; c'était celle de ce breuvage traître, qui décuple un moment l'énergie pour l'anihiler en- suite. Oui! Grenaille avait peur: il frissonnait des pieds à la tête ; une sueur froide lui perlait au front ; sa vue se trou- blait; ses lèvres tremblaient.il restait la, inerte, fasciné, dompté, prêt à se laisser dévorer sans opposer la moindre résistance, quand une apparition fantastique vint faire diver- sion à la terreur qui l'obsédait. C'était le loup blanc. Il descendait au galop la crête de la montagne ; mais, chose inouïe! il portait sur son dos le diable en personne Le diable? Comment douter?... Il était tout noir; il avait des cornes. Et qui d'ailleurs, sauf messire Satan, pouvait chevau- cher le loup blanc?... Et quand monture et cavalier passèrent comme un tourbillon devant Grenaille pétrifié, on entendit un cri épouvantable ; le diable agita d'immenses ailes de chauve-souris et les six loups fauves s'enfuirent en hurlant. Grenaille ne tira pas, cela va sans dire L'aube commençait h poindre. Grenaille, transi de froid et d'horreur, voulut se réconforter par une dernière goutte mais la gourde était vide ou L'AUTEUR PRÊCHE DANS LE DÉSERT. Grenaille revint à la Roche, la tête en feu, les genoux fla- geolants. 11 alla tout droit au café, sûr de trouver nos quatre compagnons en train de tuer le ver.