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288                LÉGENDES DE LA VILLE D'ARS.

je décidai que je ne quitterais pas la place sans avoir la
solution matérielle d'un phénomène qui ne pouvait être
que matériel aussi. Guidés par mes oreilles, mes yeux
fouillèrent, a travers le liquide, dans les replis du sol va-
seux, et, au bout de quelques instants, nouvel Archimède (1),
je pus aussi m'écrier : EURÊKA!... J'avais trouvé les clo-
ches sous la forme d'un         crapaud! Oui, d'un crapaud,
s'il vous plaît, le Campani sona, appelé aussi Bombinator
igneus, parce que, dans la saison de ses amours, son ventre
revêt la couleur du plus vif rouge de feu qu'il soit possible
d'imaginer. A cette époque, il sonne incessamment, et on a
tout le temps de l'entendre, car, si nous en croyons l'abbé
Delille, cette saison se prolonge extraordinairement pour
notre batracien.
         Cet immonde animal, enfant d'une eau dormante,
         Durant trois jours entiers fatigue son amante (2),

    « Quelle que soit, après tout, la durée de la lune de miel
annuelle de nos cloches animées, je puis affirmer que l'il-
lusion est complète et que les naturalistes ont eu raison de
nommer ce crapaud Campani sona et de dire de lui qu'il
 fait entendre le soir un coassement qui ressemble, à s'y
méprendre, au son d'une cloche agitée dans le lointain.
    « J'ai retrouvé, c'est chose facile à vérifier, cette même
légende des cloches attachée a tous les lacs qui ne dépas-
sent pas une certaine altitude et dont les bords sont maré-
cageux.
    « Ici se terminaient mes notes, mais je veux encore y
ajouter quelques mots. Je viens de recevoir le Xe volume
de YAnnée scientifique et industrielle de M. Ls Figuier (3),

   (1) Personne n'ignore que c'est dans un bain qu'Archimède, trouvant
la pesanteur spécifique des corps, s'écria : Eurêka.
   (1) Les trois règnes de la nature, ch. VII.
   (3) Paris, Hachette, 1866, p. 234.