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BIBLIOGRAPHIE. 85 leur mode de transposition, dans notre langue, des vers d'un poète étranger. J'avoueque le problème contraire me paraît maintenant presque résolu par M. Desserteaux. Il a su prou- ver qu'à la plus entière fidélité et au plus scrupuleux respect de l'original, se peuvent unir les magnificences ailées de la bonne versification. Il est de ce fait une raison toute naturelle :'c'est que l'au- teur est un vrai poète, dans toute l'acception du terme, et qu'un vrai poète qui veut se donner la peine de faire une traduction, y réussit mieux que les plus habiles prosateurs, La traduction en prose de Le Brun est pleine de mérite, mais elle est loin, à notre avis, de celle qui nous occupe. Baour- Lormian n'a jamais été pour nous un poète, ce n'est qu'un versificateur ; voilà pourquoi sa traduction est la proie de l'oubli. Le vrai poète s'assimile son modèle ; il l'étreint puissam- ment; il s'identifie en lui, il infuse dans ses veines un nou- veau sang qui le fait revivre sous une forme identique et adéquate de la première. C'est ce qu'a fait M. Desserteaux. Il s'est si bien nourri de la moelle de l'épopée Tassique, et se * I'«stsibien assimilée, qu'il en a coulé toute la substance dans son propre travail. Ce n'est plus un simple reflet du type pri- mitif; c'en est une incarnation géminée, une nouvelle flo- raison. L'art du traducteur élevé à cette hauteur devient une véritable création ; on pourrait dire, en termes plus mysti- ques, mais plus expressifs : une transsubstantiation* Tel le tiableau d'un grand maître fait en double exemplaire, comme le Mazeppa d'Horace Vernet à Avignon. Dans la traduction de M. Desserteaux, rien n'est livré t\ l'à -peu près, point d'approximation, point de subterfuge in- génieux poui éluder les difficultés ; mais une sévérité inexo- rable à reproduire l'original trait pour trait, pensée pour pensée, tournure pour tournure, formule pour formule.