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84 . BIBLIOGRAPHIE. la gloire, l'élection que sa muse a faite d'eux pour ses inter- prèles. Or, il y a quelque vingt-cinq ans, cet homme, ce penseur alors inconnu, possédant à fond la langue italienne, et pas- sionné pour l'épopée du Tasse, dont il avait fait sa nourriture assidue, conçut le projet d'élever à son idole un monument qui fût à la hauteur du culte qu'il lui avait voué. Il résolut de traduire la Jérusalem délivrée, octave par octave, en vers alexandrins. Mille autres, môme parmi les mieux inspirés, eussent failli devant cette conception audacieuse, et l'eussent laissée à l'état embryonnaire. La tentation d'abandon devait être d'autant plus forte pour lui, qu'ayant dans l'esprit toutes les puissances nécessaires pour créer lui-même, il devait trouver moins de charme à traduire les créations d'aulrui, cet autrui fut—il le Tasse. Mais refoulant en lui tous les orages et les découragemenls que dut contenir son cœur d'ar- tiste, il marcha avec une persévérance indomptable dans la voie qu'il s'était tracée, et voulut tenir le serment qu'il avait fait à la grande mémoire de Torquato. Que de veilles! que de travaux ! que de luttes intérieures pour y arriver ! Il y a r - riva cependant. Le serment fui tenu et, en 1855, son grand travail, mené à terme, paraissait à la Librairie nouvelle. M. Desserteaux a traduit la Jérusalem en vers alexan- drins, octave par octave, avons-nous dit, en substituant sim- plement les rimes plates aux rimes entrecroisées dont se servait le poète de Ferrare. Nul n'ignore que ces dernières ne sauraien!, avec l'allure légère qu'elles ont en français, convenir à la majesté continue et grave du poème épique. Reste la question de savoir lequel vaut le mieux, traduire un poêle en vers, ou le Iraduire en prose. Je penchais fort, à cet égard, vers l'opinion de M. Villemain, et croyais, malgré quelques heureux exemples (ceux de MM. de Saint-Ange et Ratisbonne entre autres), que la prose littérale est le meil-