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        DES AFFINITÉS DE LA POÉSIE ET DE L'INDUSTRIE.       195

 pût trouver avantage à emprunter quelque chose, fût-ce
une simple image, à ce monde de la science et du travail,
 si curieux dans ses moyens, si prodigieux dans ses résultats,
 c'était, au dire de ceux qui instruisaient le procès de notre
temps, confesser l'ignorance des véritables conditions de
l'art. Car, comme ils ne se lassaient pas de le répéter : entre
l'œuvre de la poésie qui est excellemment morale, et celle de
l'industrie qui ne relève que de la matière et des sens, il y a
incompatibilité radicale; aucune affinité ne tes rapproche;
 et ils ajoutaient : que les âges industriels se glorifient bien
haut ; qu'ils énumèrent leurs conquêtes, leurs inventions,
 leurs découvertes, leurs machines; qu'ils élèvent, pour les
y passer en revue, des Palais éphémères, comme leur re-
nommée; et que là, au milieu des produits rassemblés de
tous les points du globe, dans des congrès et des Jubilés
sans grandeur, absolument muets pour l'imagination, il leur
plaise de se décerner des palmes, et en vertu de la complai-
sante loi du progrès de se proclamer, étant venus les der-
niers, nécessairement supérieurs a tout ce qui a existé
avant eux, ils le peuv3iit sans doute; mais qu'ils le sachent
bien, il y a une chose qui manquera éternellement à leur
triomphe, c'est la couronne de la poésie et de l'art; cette
couronne n'a pas été tressée pour eux; elle restera déposée
sur le tombeau des Sociétés disparues pour en être l'orne-
ment éternel et envié.
  S'il fallait tenir tout cela pour démontré, s'il était vrai
que l'avenir n'eût plus a dérouler devant les générations
humaines que des cycles de prose, s'il était dans la nature
des lettres et de l'industrie de se repousser et de s'exclure,
ce serait sans doute un grand et nouveau sujet de gémisse-
ment pour l'homme moderne irrémissiblement condamné a
ne plus sentir les jouissances de l'esprit.
  Mais qu'y a-t-il, au fond, de réel dans ce divorce prétendu?