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444 LE DOCTEUR JEAN FAUST. . — « Ce n'est pas moi qui l'ai choisi, je vous le jure, docteur Faust, et il me pèse de la manière la plus désagréable. Je possède, à la vérité, deux défenses de l'ivoire le plus pur ; ce vain ornement ne suffit pas à ma consolation et se trouve bien compensé par ce grand nez qui s'appelle une Irompe et par ces pattes larges et massives avec lesquelles je ne pourrai jamais escalader le ciel pour y reprendre ma place. Que voulez-vous? C'est sous cette enveloppe accablante que le Seigneur m'a chassé du ciel à la suite de Lucifer. Ah ! Docteur, quelle stupide sottise il nous a fait faire là , cet orgueilleux Lucifer, en nous entraînant dans sa fatale conspi- ration contre le Père éternel. Avant ma chute, j'étais un ange aux belles formes ; depuis ce temps je suis le gros éléphant que vous voyez. « Je vous plains de tout mon cœur, Bélial. Mais que diable, venez-vous chercher ici? Sans doule, vous avez un rendez-vous? Quelque charlatan, pour faire fortune, vous aura bêtement donné son âme à la condition que vous le suivrez dans les foires et les fêles villageoises et que vous y ferez, à son profit, des tours de force, tels que déboucher des bouteilles avec votre trompe, tirer des coups de pistolet, sonner le garçon, déplier votre serviette vous-même, recueillir les offrandes des badauds émerveillés et en remplir délicatement l'escarcelle de votre maître. — Allons donc, docteur, pour qui me prenez-vous, ? Est- ce que je m'abaisserais à de pareilles jongleries ? — Je crois, Bélial, que vous en feriez bien d'autres pour le plaisir d'accrocher une âme et de faire signer à quelque sot un pacte dans le genre du mien. — Non, docteur, il n'y a que ce malin Méphistophélès pour jouer aux hommes de ces vilains tours. Je ne suis ici que pour vous. — Pour moi? Je ne vous ai cependant pas dit de venir.