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LE DOCTEUR JEAN FAUST. 445 — C'est vrai. Mais vous étiez ennuyé; moi, j'étais en train de courir le monde, partie de plaisir que je me permets fort rarement, avec les six autres princes de l'enfer qui vont arriver à l'instant. J'ai pensé vous être agréable en m'effor- çant de vous distraire; pour le moment, Méphistophélès, qui est un des serviteurs de notre palais, n'est point à votre disposition. Il profite de notre absence pour nettoyer nos appartements qui en ont bon besoin, car il y a longtemps que nous n'en sommes sortis. D'ailleurs, ne pensiez-vous pas, il n'y a qu'un instant, que vous ne demanderiez pas mieux de voir lessept princes de l'enfer? Les voilà , Docteur, approchez; nous ne vous ferons pas de mal ; le moment n'est pas encore venu. » Faust, habitué par Méphistophélès aux bons procédés des démons, ne vit aucun inconvénient à saisir cette occasion de satisfaire sa curiosité; il s'approcha pour considérer plus à l'aise l'éléphant décoré du nom de Bélial. Sa tête gigantesque semblait au premier abord placide et inoffensive comme celle d'un éléphant naturel ; mais ses yeux démesurément grands brillaient d'un feu étrange et leurs prunelles lumineuses se mouvaient dans leurs noirs orbites comme deux globes san- glants; de chaque côté de sa mâchoire, sortaient deux énormes défenses d'un ivoire sans tache, portant à leurs extrémités deux pierres rouges, luisantes comme des escarboucles, talismans infernaux destinés sans doute à aveugler les hommes par de puissants prestiges ; ses oreilles pendaient jusqu'à terre et, autour de sa trompe longue de plusieurs aunes, trois serpents enlacés formaient une spirale qui se mouvait sans cesse el causait à Bélial de fréquents mouvements d'impatience. Bélial, tout en reniflant et en secouant sa trompe comme pour la débarrasser de l'importune étreinte des reptiles qui l'entou- raient, se fit auprès de Faust l'introducteur des six autres princes de l'enfer.