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LE DOCTEUR JEAN FAUST. 443 chants? Je pourrais faire éclater sur vous la tempête et détruire, au moins pour une nuil, ce repos que mon âme ne doit plus partager. Mais non ! Il faudrait pour cela recourir à Méphis- tophélès qui commence à me sembler insupportable. Toujours lui, avec sa petite voix hypocrite ! Je ne sais plus que lui dire ni qu'exiger de lui. Je suis tenté de le renvoyer de mon service pour en appeler un autre à sa place. Qu'ai-je à perdre puis qu'il ne me reste pas une seconde âme à livrer à celui qui le remplacerait. Cependant, que puis-je lui reprocher? Le pauvre diable m'a-t-il jamais rien refusé de toutes les choses extravagantes que je lui ai demandées? Si du moins, il me présentait quelques-uns de ses supérieurs, les sept princes de l'enfer, par exemple, dont il m'a souvent parlé; cela romprait la monotonie croissante de nos entretiens ». Faust fut interrompu dans le cours de ses pensées par la vue d'un objet monstrueux et difforme soudainement offert à ses regards. Poussé par une curiosité mélangée de crainte, il s'approcha et reconnut avec surprise un gros éléphant. « C'est singulier, se dit-il, voilà un éléphant tombé du ciel; car je ne sache pas que la forêt de Mangall ait jamais nourri sous ses frais ombrages aucun de ces intelligents mais disgracieux quadrupèdes, qui habitent d'ordinaire les forêts vierges et tropicales des Grandes Indes. Ce ne peut être que ce damné Méphistophélès qui me prépare un tour de sa façon ». — « Non, docteur, fil l'éléphant, répondant à la pensée de Faust, d'un son de voix caressant, indice du naturel doux et paisible généralement attribué à cet animal; non, docteur, je ne suis point Méphistophélès; je suis Bélial. — « Bélial, dites-vous, un des sept princes de l'enfer? — « Précisément. — « Enchanté de vous rencontrer ici. Mais à quel propos, Bélial, vous êles-vous revêtu de ce singulier accoutrement?