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440 LE DOCTEUR JEAN FAUST. VI. OU L'ON VOIT QUE LE DIABLE NE CONNAIT POINT ALEXANDRE LE-GRAND. Cependant la réputation de Faust parvint jusqu'aux oreilles de l'Empereur Charles Vqui parut curieux de le voir et le fit venir auprès de lui. L'Empereur ne pouvait pas décemment lui demander de renouveler en sa présence le tour de la tête coupée; il lui fallait une expérience plus digne d'un souve- rain; il le pria de faire apparaître Alexandre te Grand, afin qu'il vît ce héros tel qu'il fut pendant sa vie. Faust s'éloigna un instant pour s'entretenir avec son esprit, et revint bientôt promettant à l'Empereur de satisfaire son désir, à la condi- lioij, qu'il ne ferait aucun mouvement et ne prononcerait aucune parole, pendant le temps que durerait l'apparition : sur la promesse de l'Empereur, le magicien se recueillit en lui-même et, invoquant l'âme du héros, le somma de se lever d'entre les morts et de se montrer, quelque séjour qu'il habitât dans l'autre monde. Les mânes illustres de celui qui fut autrefois le maître de l'Univers furent dociles à celte conjuration; Alexandre lui- même entra clans la salle et s'avança à la façon des ombres, lent et silencieux. Les dalles sonores restèrent muettes sous ses pas, bien que le fantôme fût revêtu de toutes les appa- rences de la réalité. C'était un petit homme carré et ramassé, très-haut en couleur, à la barbe épaisse et rouge, aux cheveux touffus et de la môme nuance, à l'œil petit, noir et perçant comme l'œil du basilic. En passant près de l'Empereur, il lui fit une profonde révérence. A cette vue, l'Empereur parut désappointé ; il ne se figurait point Alexandre sous ce robuste mais trivial aspect. « J'ai souvent entendu dire, pensa-l-il