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                       ESTIENNE DU TRONCHET.                           413

    « Aussy je l'ayme, ajoute-t-il, comme la lumière de mes yeulx,
«   et me resjoùys extrêmement de me sentir aymé d'elle. J'ay
«   ma petite Jaqueline, fort belle fille (si le transport de l'ardeur
«   paternelle ne me déçoit) et croy que pour autant qu'elle ne
«   tient rien en cela de la figure du père ny de la m è r e , elle a
«   prins ceste beauté extérieure en l'intérieure excellence et sin-
«   cerité de nos cueurs. Il a pieu à Dieu me lever un fils qu'il
«   m'avoit donné quasi à l'entrée des secondes portes de ceste vie;
«   il est bien-heureux au ciel, où l'intérieur de toutes choses est
«   cogneu. »
   « J'espère, monsieur Berard, que si vous venez à Lyon, vous
« ne serés point si cruel de me priver d'une visite, pour prendre
« possession de la petite maison qui est vostre; puisque du
« cueur du maistre vous estes infaillible possesseur. »
   Cette humble demeure de du Tronchet avait été pillée et
saccagée comme les autres à la prise de la capitale du Forez ;
c'est ce qu'il ne manque pas de dire en se lamentant toutes les
fois qu'il en trouve l'occasion.
   Ce fut six ans après cet événement que du Tronchet publia la
première édition de ses lettres, à Paris, chez Lucas Breyer. Elle
est dédiée à l'un de ses protecteurs, à Messire Albert de Gondy,
Baron de Rectz, de Seigne, de Dampierre, Marquis des Mes d'or,
chevalier de l'ordre du Roi, premier gentilhomme de sa cham-
bre et capitaine de cinquante hommes d'armes.
   Quoique la lecture de ce livre soit presque insupportable, il n'en
a pas moins eu, comme je l'ai dit, un nombre surprenant d'éditions.
Comment expliquer un tel phénomène sinon par la vogue dont il a
joui ? Antoine du Verdier et Ronsard, qui ont dit de du Tronchet,
comme écrivain, tout le mal imaginable, sont loin pourtant, le
premier surtout, d'avoir vu leurs ouvrages réimprimés aussi
souvent. Ainsi, il me semble hors de doute que du Tronchet,
de son vivant et vingt ans après sa mort, a trouvé un nombre
considérable de lecteurs. Au reste, on pourra s'en convaincre


châtelain de la ville. Probablement que celui-ci, dans les fragments de ses
mémoires qui sont perdus parlait de son beau-frère,