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398          ÉTUDE SUK LA LANGUE DES HÉBREUX.
une littérature , et lui donnent une physionomie fort différente,
 selon qu'elle en est abondamment pourvue ou qu'elle n'en pos-
 sède qu'un nombre insuffisant. Ainsi le style périodique, cette
longue robe flottante qui s'étale en plis gracieux dans les plus
 riches pages de la littérature latine, est un procédé impossible
pour nos écrivains sacrés; et cela servira à vous expliquer la
nature de ce style coupé en versets, en incises brusques et
courtes, cette trame qui se rompt à chaque instant dans nos
mains , ce je ne sais quoi d'incohérent, de déchiré , qui laisse la
pensée incertaine au milieu de débris épars et de matériaux dé-
sunis. La phrase hébraïque n'embrasse qu'un champ fort court.
et présente tous les caractères d'une langue analytique. Plane,
pour ainsi dire, et rcctiligne, elle ne connaît d'autre procédé
que la juxtà-position des idées , et l'on y chercherait vainement
ces angles fuyants et saillants, ces demi-jours lointains, ces
perspectives savamment ménagées de l'inversion, qui donnent
aux langues grecque et latine comme une seconde puissance
d'expression.
    L'idiome de Moïse et de David est comme cet !>rbre favori des
solitudes de l'Orient, à l'ombre duquel les Romains représentaient
la Judée captive sur leurs monnaies, le palmier. Son stipe s'élève
en colonne nue et sévère : de son sommet s'échappe un unique
faisceau de feuilles qui s'étendent et s'étalent comme les plis
d'un éventail et ombragent à peine le sol aride du désert. La plu-
part de nos langues anciennes , au contraire, revêtent une végé-
tation luxuriante : elles sont comme ces arbres des forêts indien-
nes , qui poussent au loin leurs rameaux , les entrelacent, les
multiplient, les couvrent d'un vaste ombrage , qui ondule dans
tous les sens et se prête à tous les bruits, à toutes les harmonies
que le vent qui passe veut en tirer.
    Ces imperfections et ces pauvretés, je suis certainement loin de
les méconnaître, ou même de les atténuer. Mais aussi, je ne
suis point tenté de demander grâce pour elles ; tellement
elles amènent des compensations d'un genre nouveau pour nos
littératures. 11 est des beautés de plus d'un genre , et il faut lais-
ser à chacune le soin de revêtir la forme qui lui sied, et même ,