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250 LETTRES INÉDITES neur de la république naissante, comme s'il falloit que le règne de la liberté fut aussi celui de l'ignorance et de la barbarie. 11 faut donc renoncer aujourd'hui a avoir une description de la France, telle que je l'avois conçue et quelle auroit pu être exécu- tée par des mains plus habiles. Il n'est plus possible que d'avoir une topographie aride, et sèche, conforme de la nouvelle divi- sion des provinces, très divisées en effet de toutes manières. Or, un tel ouvrage est plutôt du ressort du géographe et de l'arpen- teur que de celui de l'observateur philosophe. Je laisse à ces messieurs le soin de l'entreprendre. Je conçois bien que vous ne prenez pas un grand intérêt à ce petit gueux d'abbé Barthélémy de Grenoble, auteur de la gram- maire des Dames et de la Cantatrice grammairienne et de plu- sieurs autres rapsodies; mais il me semble qu'il ne vous eut pas été difficile de vous informer s'il est toujours à Lyon et de quelle espèce d'existence il y jouit. Je crois qu'il etoit ici avec ce polis- son de Lamourette, votre prétendu Evèque, qui sans doute n'aura pas manqué de lui procurer quelque chose; et que sait on? Peut être un Eveché. Vous passez tous les jours devant une bou- tique ou vous pourriez savoir aisément des nouvelles de cet abbé Barthélémy. C'est celle de M. Sulpice Grabit son libraire , rue Mercière, vis à vis MM. Rosset. Je vous ai demandé des éclair- cissements bien plus difficiles à avoir et que vous m'avez donné par intervalle de poste. 11 est vrai que c'était pour ma tante et j'avoue qu'elle ne prend aucun intérêt au sort de notre abbé Barthélémy, qui ne seroit sûrement pas reçu dans son anticham- bre, s'il venoit à Beziers. Il faut convenir cependant que ce petit abbé etoit assez drôle et que nous nous en sommes amusés plus d'une fois dans nos soupers de l'hôtel de Milan et de la Croix de St Louis. Vous pouvez vous en souvenir. Cet abbé balloté entre le chevalier Aude et moi faisoit une assez plaisante figure. Vous pouvez vous rappeller celui du samedi 23 aoust 1788, qui ne fut pas le moins divertissant. Heureux temps, ou nous ne prévoyions pas encore tous nos malheurs, ou tout etoit à bas prix à Lyon et ou l'on s'amusoit sans que personne s'avisa d'y trouver à re- dire. Vous ne preniez part a nos jeux que comme simple specta-