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DISCOURS DE M. D ' A I G U E P E I Î S E . 223 dence, qui marche toujours par des voies constantes et ré- gulières, produit dans chaque siècle un nombre a peu près égal d'hommes de génie ; mais cela ne suffit point, et il faut encore qu'il se rencontre un Auguste ou un Louis XIV qui sache les reconnaître et les mettre à leur place, ou que, du moins, les circonstances politiques ne s'opposent point au développement des brillantes qualite's dont ils ont été doués en naissant. Ce fut donc Rome, ou plutôt son gouvernement oppresseur, qui prit soin d'anéantir ces lettres, ces arts et ces sciences auxquels elle avait dû tant de gloire, et lorsque enfin elle succomba elle-même sous les coups des Barbares, le mal était déjà consommé depuis longtemps. Pendant qu'un mouvement continu entraînait ainsi vers l'abîme l'Empire romain et tout ce qui avait servi à l'embellir ou à le fortifier, une religion nouvelle, qui devait changer la face du monde, croissait dans l'ombre au milieu des persé- cutions et en dépit des résistances impuissantes du paga- nisme. Les vieux Romains, témoins de ces deux faits qui se produisaient en môme temps, prétendaient les expliquer l'un par l'autre. Au lieu de chercher la cause de leurs malheurs dans le despotisme stupide de leur gouvernement, et dans la corruption qui avait pénétré jusque dans les profondeurs de la société dégénérée, ils croyaient la trouver dans le chris- tianisme qui renversait leurs vieilles croyances. Aies enten- dre, Rome avait tout perdu en perdant ses dieux sous l'em- pire desquels elle avait grandi et prospéré. Si les armées romaines étaient partout battues, c'est que l'autel de la Victoire ne s'élevait plus au milieu du sénat. Le christianisme ne s'occupant que de la vie future, ne pouvait manquer, di- saient-ils, d'être incompatible avec tout ce qui sert a donner de l'éclat a la vie présente. Cette étrange accusation, réfutée depuis longtemps par les Pères de l'Eglise, l'était encore d'une manière plusécla-