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222 DISCOURS DE M. D'AlGUEPERSE. barbares n'osaient pas même lui accorder un asile qui leur eût attiré la colère de leur redoutable voisin. Le monde se trouva donc soumis a un despotisme irrésistible qui dépas- sait de beaucoup tout ce qu'avaient vu les siècles précédents. Quel usage les mauvais Empereurs firent-ils de cet immense pouvoir? C'est Tacite (1) qui se charge de nous l'apprendre. Après nous avoir peint Domitien faisant mourir deux hommes illustres pour avoir osé louer la vertu dans leurs écrits, livrant ces mômes écrits aux flammes par la main du bourreau ; « bannissant de Rome les philosophes et tout ce qu'il y avait « de plus noble dans les sciences et les arts, afin de faire « disparaître jusqu'aux dernières traces de ce qu'il restait « encore d'honorable (2) ; » le grand historien, à la vue des effets désastreux de cette politique oppressive, s'écrie avec douleur qu' « il est bien plus facile d'étouffer le génie et les talents que de les ranimer. » Ingénia studiaque oppresseris facilius quam revocaveris Et pourtant ce règne funeste n'avait duré que quinze ans. Qu'on juge de ce que dut produire le système de Domitien, appliqué et suivi avec une implacable persévérance pendant environ trois siècles, en tenant compte des moments de re- lâche dont Rome fut redevable aux Titus , aux Trajan , aux Antonins et à un petit nombre d'autres Empereurs. Toute espèce de supériorité intellectuelle dut être odieuse aux ty- rans, et surtout aux hommes méprisables qui gouvernaient en leur nom. Faut-il s'étonner, après cela, si les intelli- gences nous semblent affaiblies, et si cette fatale période de temps ne nous apparaît que comme une longue éclipse de l'esprit humain ? Et cependant, nous pensons que la Provi- (1) Agricol. C. II et IH. (2) Expulsis insuper sapientiœ professoribus atque nmni bmui arle i» t-rilium uctd ne quid iisquùm /loneslum orcwrcrel.