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210 WSCOURS DE M. D'AIGUEPERSE. «arque tout-puissant ne se vengea du grand écrivain qu'en lui donnant le surnom de Pompéien, et lui conserva toujours une amitié qui les honorait tous les deux (1). Jamais, à aucune époque de l'histoire du monde, la poésie n'avait brillé d'un aussi vif éclat que sous cet empereur ; mais il sembla qu'il avait emporté avec lui dans la tombe cette gé- nération de poètes qui fit la gloire de son règne. Virgile, Horace, Varius, Tibulle, Properce et Ovide laissèrent d'ini- mitables chefs-d'œuvre, mais pas un seul successeur. On eût dit que la nature, épuisée par cet eflort, avait voulu se re- poser. Les règnes de Tibère, de Caligula et de Claude ne pro- duisirent aucun poète, car on ne peut donner ce titre au fa- buliste Phèdre. Pour le mériter, il ne suffit point d'écrire avec élégance et pureté, de se montrer moraliste ingénieux, conteur spirituel et plein de goùt^ il faut encore y joindre l'imagination ; or, Phèdre en était à peu près dépourvu. Sous le règne de Néron, Lucain fit une courte apparition. Avec un génie éminemment poétique, il s'abandonna trop à sa facilité ; sa chaleur n'est souvent que de l'enflure. S'il fût mort moins jeune, il se serait probablement corrigé. Silius Italiens ne fut que le pâle copiste de Virgile, comme Stace le fut d'Ovide. Dans quelques genres particuliers, la poésie se soutint mieux. La satire était de création toute romaine. Satyra quidem Ma nostra est, a dit Quintilien (2). Elle ne devait absolument rien aux Grecs. Perse, mais surtout Juvénal, eurent le talent de la maintenir à une grande élévation de pensée et de style. Ils profitèrent des travaux de Lucilius et d'Horace, leurs devanciers, mais sans les imiter servilement, et en conservant, l'un et l'autre, le caractère qui leur était propre. Martial eut surtout le mérite de l'originalité. C'était, (1) Tacite. Annul. IV, 34. (2)Lib. X. C l .