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DISCOURS DE M. D'AIGUKPKRSE. 209 rôts de l'Etat, lut bannie du théâtre de ses triomphes. On la retrouve encore dans les pages admirables de Ãite-Live et de Tacite ; mais, sauf celte exception, elle sembla désormais l'eléguée dans les obscures contestations du barreau. Elle eut bientôt à subir une épreuve encore plus cruelle ; sous le règne des Tibère, des Néron, des Domitien et de leurs imitateurs, on la fit servir a la condamnation des malheu- reuses victimes accusées du crime, alors si commun, de lèse-majesté. Un homme que la Gaule avait vu naître, et que la nature avait doué des qualités les plus brillantes de l'esprit, Domitius Afer, acquit une odieuse célébrité dans cette car- rière , d'ailleurs fort lucrative , puisque la dépouille du con- damné payait ordinairement les services du délateur. La haine et le mépris qui se sont attachés à sa mémoire n'ont pu empêcher ses contemporains de rendre justice à des talents dont il avait fait un si funeste abus. Ce grand siècle d'Auguste, destiné à voir éelore tant de merveilles, vit aussi paraître le plus beau monument histo- rique qui ait jamais été élevé a la gloire d'une nation, une histoire romaine, alors complète, mais dont nous possédons à peine le quart aujourd'hui. L'exécution de cette Å“uvre im- mense parut dépasser tout ce qu'on pouvait attendre de la vie entière d'un homme de génie, si longue qu'elle fût. Le style de Tite-Live est, tour a tour, plein de douceur ou de force, de noblesse ou de simplicité, mais toujours à la hauteur de son sujet, et pouvait-il en choisir un plus beau que l'histoire des maîtres du monde ? On ne peut lui reprocher que d'avoir trop souvent immolé les autres nations au peuple-roi dont il s'était fait une idole. Ses écrits, où respire toute la grandeur ro- maine, avaient dû flatter ses contemporains restés encore fidèles au culte des vieux souvenirs, et les consoler du si- lence de la tribune. Traité avec distinction par Auguste, il ne dissimulait point ses affections pour le parti vaincu. Le mo- 14