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208             DISCOURS DE M.    D'AIGUEPERSE.

qui, par goût, se livrent a des travaux historiques, ne doivent
pas se contenter de satisfaire une vaine curiosité , mais
se proposer avant tout, un but d'utilité pratique, et chercher
dfns le passé des enseignements pour l'avenir.
    En m'inspirant de cette pensée, il m'a semblé que, parmi
les grandes époques de l'histoire, dignes d'exercer les mé-
ditations des hommes sérieux, il n'en était aucune plus re-
marquable que cette longue période de quelques siècles
qu'on a désignée sous le nom de Décadence de l'Empire
romain. Le monde avait déjà vu s'écrouler plusieurs empires
vastes et puissants, et entre autres celui d'Alexandre, sans
que les belles-lettres, les sciences et les arts eussent paru
en souffrir. Cette fois, il en fut tout autrement. On vit leur
flambeau s'affaiblir graduellement et finir par s'éteindre en
 devançant dans cette voie de décroissance la chute" de la
puissance militaire qui survécut a tout le reste. Unjfait aussi
remarquable venait contredire tout ce qu'on avait observé
jusqu'alors. Nous espérons pouvoir l'expliquer d'une manière
satisfaisante, mais nous devons auparavant tracer unaperçu
rapide des connaissances humaines chez les Romains, et
 un précis des phases diverses qu'elles eurent à parcourir.
    Le siècle d'Auguste fut pour Rome ce que le siècle'de Pé-
riclès avait été pour Athènes, en tenant compte des différen-
ces de proportion entre une petite république et la maîtresse
des nations. La poésie, l'éloquence, les sciences et les~arts,
atteignirent un degré d'élévation qu'il semblait impossible de
dépasser.
    L'éloquence fut la première a descendre des hauteurs où
 Cicéron l'avait portée. En effet, il ne lui était plus possible de
 s'y maintenir. Bu moment où les destins de Rome et du monde
 ne se décidèrent plus au Forum ou au Sénat, du moment où
 tous les pouvoirs furent concentrés dans les mains d'un seul
 homme, l'éloquence n'ayant plus a défendre les grands inté-