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 194            TROIS MOIS AU-DELA DES ALPES.

  vengeur et rémunérateur. A première vue, cette fresque du
  Jugement dernier étonne et confond notre esprit et nos sens ;
  trop novice, l'on éprouve l'irrésistible besoin de refaire l'édu-
  cation de ses yeux. Cette première éducation une fois faite,
  avec quel plaisir ne revient-on pas pour se rendre compte des
  émotions mystérieuses, profondes, que l'aspect de ce chef-
  d'œuvre réveille. Tous ces personnages ne sont pas seule-
  ment des modèles d'attitudes, de traits, de coloris, c'est
  tout un système religieux d'un âge de croyance et de foi.
 Cette immense succession d'hommes, avec les mille attitudes
 que donnent tour à tour l'espérance ou la crainte, la sérénité
 de l'âme ou le désespoir ne sont point pour vos yeux d'autres
 hommes semblables à vous, vivant au milieu des mêmes joies
 ou des mêmes perplexités, mais bien l'homme régénéré par
 la mort, en face de l'éternité. Par une illusion qui a toutes
 les allures d'un rêve, chaque personnage semble se détacher
 de la muraille, s'avancer vers vous, adresser à votre oreille
 de lugubres avertissements ; alors l'âme ardente du grand ar-
 tiste a passé dans votre ame ; comme lui, vous vous sentez
 saisi par la terreur, l'épouvante marche devant chacun de ses
 étranges personnages. La grande œuvre de Buonarotti n'est
 plus une fresque, mais une création vivante qui écrase votre
 entendement, épouvante votre âme ; ce n'est même plus une
multitude indifférente de damnés qui s'agitent dans les an-
goisses d'atroces souffrances, mais vos parents, vos amis et
peut-être vous-même ! ! !
    Rentré dans votre demeure, il vous est impossible de vous
abandonner de suite au courant ordinaire des occupations
ou des plaisirs de la vie ; le Jugement dernier est toujours
devant vos yeux. Tenté par la curiosité, vous cherchez dans
la vie de Michel-Ange quel était le milieu qui l'entourait,
quelles étaient surtout ses croyances, et vous ne pouvez lire
sans une mélancolique émotion ces lignes que le grand