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HG DISCOURS DE M. HEINHICII. nation sont une faible barrière contre ses ennemis ; aussi le livre du Prince servit peu l'Italie, et lui est souvent imputé à opprobre. Nous rechercherons en Machiavel le penseur et l'e'crivain plus que l'historien et le politique. Nous ne pouvons oublier cependant que nous étions de ces barbares qu'il vou- lait chasser de la Péninsule , et nous rappellerons ces bril- lantes et inutiles guerres des Français en Italie , non pour échapper aux questions littéraires, mais pour y trouver, au contraire, la confirmation de l'une des plus grandes lois de l'esprit humain. Quand on voit, en effet, expirer ainsi une littérature, on se demande a quoi servent ces grands siècles qui aboutissent fatalement à un si triste déclin , et comment toute vie s'éteint dans ces générations qui promettaient une éternelle vigueur. On pourrait répondre que les nations sont libres , qu'elles se font leurs destinées littéraires comme leur sort politique , que le beau est la récompense du bien , et que toute déca- dence intellectuelle est le châtiment mérité d'un mal moral. Mais, en s'élevant plus haut , les nations nous apparaissent comme devant régner tour à tour sur le monde de la pensée ; il semble que, prévoyant leur faiblesse, Dieu tienne toujours quelque peuple en réserve , pour lui transmettre l'héritage qu'un autre peuple laisse échapper de ses mains. Au moment marqué par la Providence, une force impérieuse les met nécessairement en rapport et en lutte , et ce n'est souvent que longtemps après que l'on pénètre le sens caché de ces événements en apparence inutiles. LaFrance,au XVIe siècle, consume ses armées en Italie, et l'unique résultat de ses téméraires entreprises est d'y affermir la puissance de la maison d'Autriche. Mais si le sol demeure à l'ennemi, l'esprit qui y a suscité tant de chefs-d'œuvre passe à la France, et ce n'est pas nous qui nous plaindrons de ce partage. François 1er n'a pas perdu toute l'Italie , puisqu'il a