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DISCOURS DE M. HEINR1CH. 147 gardé Léonard de Vinci, et la nation a été amplement payée de ses durs sacrifices , puisqu'elle en a rapporté ce goût des arts , ce sentiment du beau , qui lui assurera , au siècle suivant, une suprématie que les armes ne peuvent donner. Mais si nous éprouvons un légitime orgueil à la naissance de notre grande littérature , nous ne devons pas cependant être injuste envers l'Italie, et la condamner à une stérilité éternelle. Dieu, qui a fait les nations guérissables, y réveille parfois le génie , et, comme ces guerriers du Tasse , qui, couchés devant les murs de Jérusalem, attendent le jour pour livrer de nouveaux combats , espérons que cette Italie, trop longtemps silencieuse , répare seulement ses forces en attendant l'aurore d'un nouveau grand siècle. Comment , d'ailleurs , ne point parler avec respect de cette terre, embellie par les arts, cojisacrée par le génie, deux fois mère de notre civilisation , puisqu'elle nous a légué le trésor de la sagesse antique, et que, la première au moyen-âge, elle a dépouillé cette barbarie qui faisait obstacle aux progrès de la pensée moderne ? Mais aussi comment ne pas se demander où ses grands hommes , sans héritiers dans leur propre famille, trouveront leurs légitimes successeurs? Messieurs, c'est à la France qu'ils transmettent ceflambeaudes lettres , qui , semblable à cette torche antique que les coureurs se passaient autrefois dans le stade, va illuminer successive- ment toutes les nations : Et quasi currenles , vilœ lampada tradunt. Si donc, à la fin du XVIe siècle, jetant un regard sur l'avenir , nous n'apercevons que des siècles obscurs , si l'Italie cesse d'être la patrie des grandes choses pour de- meurer l'asile des grands souvenirs, Messieurs, nous nous consolerons en songeant qu'à cette lumière déjà vacillante, et que l'Italie va laisser bientôt expirer dans son sein, la France allume le flambeau qui, au XVIIe siècle , doit éclairer le monde.