page suivante »
DISCOURS DE M. HE1JNK1CH. 445 La poésie italienne expire , en effet, avec l'Arioste et le Tasse ; et les princes amis des lettres essayeront vaine- ment de lui rendre la vie. De puissants protecteurs ne suf- fisent pas pour sauver une littérature ; il est même remar- quable que leur influence n'ait jamais servi qu'à terminer magnifiquement les grands siècles. Les lettres sont l'expres- sion de la vie d'un peuple , et quand l'Italie disparaissait comme nation sous le despotisme de la maison d'Autriche et des princes ses vassaux ; lorsquelle était réduite à servir de champ de bataille aux étrangers , sans qu'il lui fût même donné de décider la victoire, par quelles grandes œuvres eût-elle manifesté une énergie morale qui n'existait plus dans son sein ? Deux hommes, au commencement du siècle , avaient prévu cette décadence et essayé d'y porter remède , et nous les retrouvons à la fin de cette étude à la fois comme les juges sévères de leur temps, et les derniers grands maîtres de cette éloquence italienne trop pacifiée après eux. L'un, réunissant la fougue du tribun au zèle de l'apô- tre, veut ramener l'Italie a la pureté des anciennes moeurs , et régénérer ses républiques en les soumettant à . l'austère discipline des cloîtres ; l'autre , préoccupé surtout de re- pousser l'étranger, voudrait élever, sur les ruines des petits états, une puissance capable d'assurer l'indépendance de son pays. Vous avez nommé Savonarole et Machiavel. Comme, on ne peut approfondir l'histoire d'une littérature sans con- naître la société qui lui a donné naissance, nous irons chez ces deux grands hommes étudier l'Italie du XVIe siècle. Nous rencontrerons ainsi ce livre du Prince , qui n'est pas, quoi qu'on ait dit, la froide théorie de la scélératesse po- litique , mais l'acte de désespoir d'un citoyen , qui pres- sentant la chute inévitable de sa patrie, veut la sauver, fût- ce par le crime , et appelle la perfidie a son aide , pour arrêter ou effrayer du moins l'étranger. Mais les vices d'une