page suivante »
DES BEAUX AKTS. 01 je ne crois qu'il soil possible d'aller plus avant et plus loin ; le Chérubini, quoique moins remarquable et moins complet est encore une belle œuvre, d'un grand style et où l'on sent malgré cela l'expression juste et vraie de la réalité ;, bien entendu que je passe condamnation sur la Muse de la musique, qui serait partout ailleurs une belle étude de femme, d'un style plein de grandeur, mais qui n'est pas à sa place dans ce cadre et qui n'y fait pas bonne figure, je le reconnais franchement. Le portrait de Mme la comtesse d'Haussonville, qui a si fort occupé la criti- que au salon de 1845, est un chef-d'œuvre de simplicité, d'aban- don réel et d'une très-grande harmonie ; c'est dans une gamme de tons volontairement adoucie, un prodige de savoir, auquel bien des talents, et des plus renommés, n'arriveront peut-être jamais. Le public a remarqué et la critique n'a pas négligé non plus le portrait de M me la princesse de B...., où l'on voit une robe de satin bleu, qui est un vrai tour de force et qui prouve que lorsque M. Ingres veut faire de la couleur il lui est possible d'atteindre, du premier coup, à l'éclat et à la vigueur des colo- ristes les plus habiles et les plus vantés. Les lecteurs de la Revue trouveront peut-être, Monsieur, que j'ai consacré à M. Ingres une partie trop importante de l'espace que vous avez bien voulu m'accorder dans ses colonnes ; mais malgré mon désir d'éviter les longueurs, je n'ai pas cru devoir moins faire pour ce chef éminentde notre école qui a formé tant de peintres célèbres et que le jury de l'exposition universelle a désigné au choix de l'Empereur pour la plus haute récompense qui ait encore été accordée en France à un artiste, c'est-à -dire pour la croix de grand-officier de la Légion-d'Honneur. M. Eugène Delacroix n'a pas été , vous le savez, Monsieur, moins contesté et moins maltraité par la critique que M. Ingres, et comme tous les artistes qu'une énergique et puissante indivi- dualité recommande à l'attention de leurs contemporains, il a pu, malgré ses incontestables défauts, triompher, lui aussi, des clameurs de ses ennemis et s'imposer de haute lutte. Il est inutile de reprocher à E. Delacroix les incorrections volontaires ou forcées de son dessin, qui trop souvent, ferait sourire un éco- lier un peu habile, c'est en lui une insuffisance radicale qu'il faut accepter en retour de qualités merveilleuses, et cela une fois dit. je n'y reviendrai plus; mais ce qu'on ne saurait assez admirer dans ses ouvrages, c'est un sentiment profond de la couleur qui convient au sujtîfc, une expression dramatique aussi forte que saisissante, et presque toujours dans la gamme de tons qu'il adopte, une très-grande harmonie à laquelle il sacrifie quelque- fois d'une façon puérile, mais qui se trouve bien rarement au même degré chez les autres peintres de notre époque. Ces deux qualités n'ont peut-être jamais été produites avec plus de force et d'éclat que dans la Scène du massacre deScio, cette peinture tei'rible etqui porte assurément en elle quelque chose qui épouvante. C'est bien