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70               EXPOSITION DES AMIS DES ARTS.
 cherches que fait ce jeune peintre pour ne pas tomber dans le
 banal et le commun ; il est si facile d'emprunter le motif d'un
 tableau à des réalités vulgaires, sauf à s'en remettre aux finesses
 et à la vigueur d'une savante exécution pour plaider son excuse
 devant le public, qu'on doit toujours savoir gré à un artiste de
 se préoccuper de son sujet. M. Bellet-Dupoizat a réuni dans
 cette barque plusieurs personnages, de conditions et d'âges dif-
férents , qui regrettent presque tous, et chacun à sa manière,
ie temps qu'ils ont passé sur la terre. On y voit un guerrier
 illustre, au casque couronné de lauriers, une courtisane, un
 roi que sa couronne blesse au front comme une couronne d'é-
 pines , un bouffon cynique, une jeune fille, dont l'action est un
 peu indécise, un comédien célèbre qui regrette les couronnes et
 les bravos du théâtre, et en fin de compte un petit garçon qui
joue de la flûte à l'oignon, avec toute l'insouciance et la gazté
de son âge ; le bouffon se moque du roi, la courtisane regarde
 dans un miroir si la mort ne l'a pas trop défigurée, le guerrier
jette un regard de sombre découragement sur la terre qui ne
retentira plus de ses exploits , le comédien se désole sincère-
ment de ne plus être applaudi, et l'infernal nautonnier regarde
tout cela avec l'indifférent mépris d'un homme habitué depuis
longtemps au spectacle de la douleur. Eh bien î au milieu de
beaucoup de bonnes qualités , cette peinture a pourtant un dé-
faut. Contrairement à la loi essentielle en matière de beaux-
arts , la composition manque de centre , aucune des figures,
aucun des groupes ne fixe l'attention d'une manière assez prin-
cipale-, elle passe alternativement de l'une à l'autre sans s'arrê-
ter précisément à aucune. Relativement aux détails, pourquoi ce
roi, au front meurtri, regrette-t-il son pouvoir et cette couronne
qui le blesse si visiblement ? Et alors de quoi le bouffon , qui
l'insulte, peut-il donc le railler ? Ce sont là [des objections que
nous soumettons à M. Bellet-Dupoizat en terminant la partie
critique de notre examen par une dernière observation : com-
ment cette barque peut-elle marcher , conduite simplement au
gouvernail, à moins qu'elle ne suive le fil de l'eau, ce qui im-
plique nécessairement l'idée contraire à l'action de traverser un