page suivante »
510 DES PREMIERS SIÈCLES France d'incontestables services ; elle la délivra des Normands, des Hongrois, des Barbares, des envahisseurs de toute espèce, et pour jamais. Les châteaux qu'elle éleva sur tous les points du territoire, furent l'asile des populations effrayées et le point de ralliement de leurs défenseurs. La féodalité fut d'ailleurs le morcellement et ne fut pas l'a- narchie. Les anciens officiers royaux qui avaient rendu leurs offices héréditaires, les grands propriétaires investis d'ancien- nes attributions patrimoniales, les églises, les monastères, ser- virent à grouper autour d'un centre commun les populations d'un canton ou d'une province, et exercèrent sur elles une souveraineté plus ou moins complète. Ainsi, le pouvoir fut déplacé, il ne disparu pas pour cela; et je ne sais si les intérêts des provinces ne trouvèrent pas alors une satisfaction plus réelle, si leur esprit particulier ne reçut pas une impulsion plus vive de cette importante révolution. La féodalité ne fut pas non plus l'oppression. Il ne faut pas croire, comme on est disposé à le faire, que dans ces siècles re- culés tout pouvoir fut nécessairement despotique, arbitraire ou violent. Les documents prouvent au contraire qu'au Xe, au XIe siècle, un progrès très-réel s'accomplissait dans la condition, dans la liberté des sujets des seigneuries. Quelque muette que soit l'histoire sur ces questions difficiles, les travaux récents faits sur les cartulaires du moyen-âge ne permettent plus de mettre en doute la vérité de cette assertion. Le grand vice de la féodalité, c'est d'avoir isolé les divers pouvoirs , d'avoir constitué entr'eux un inévitable état de guerre , qui resta deux cents ans leur état naturel. La France renferma autant de pouvoirs, autant d'associations, autant de gouvernements indépendants que de grands fiefs. Entre ces gouvernements indépendants, il n'exista qu'un droit des gens imparfait. Il n'y eut plus de grandes institutions judiciaires ; les conflits des seigneurs furent nécessairement livrés au jugement des armes. En l'absence d'une royauté assez forte pour exercer une protection publique sur toute l'étendue du territoire, cha- cun dut pourvoir à sa propre défense. L'Eglise ne put échapper