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LOUiS-PHIUPPK D'ORLÉANS. 341 me constitutionnel, même sous l'administration si décriée de Walpole, ne s'était produit avec plus de liaison et d'éclat. Ce système machiavélique n'eut pas seulement pour objet de vicier dans l'élection les sources mêmes de la vie politique : il tendit à rendre tout pouvoir pour longtemps impossible en France, par le discrédit qu'il versa sur les fonctionnaires publics chargés de le mettre en œuvre. La France assista pendant quelques années au spectacle étrange d'un gou- vernement dont la confiance était en quelque sorte un brevet de suspicion publique, et qui rabaissait ses propres agents dans l'estime de leurs concitoyens à mesure qu'il les élevait en puissance et en dignité. Toute faveur semblait suspecte de la part d'un régime corrompu. Prodiguées^à de lâches dé- fections ou à d'indignes complaisances, les distinctions créées pour le véritable mérite perdirent tout leur prix ; un dé- vouement absolu à la politique dynastique tint lieu de tout autre titre , et l'homme qui garda l'indépendance de ses convictions personnelles, perdit jusqu'au droit de servir son pays. Également coupable et dans son but et dans ses moyens, ce système immoral ne dédaigna pas des mobiles moins délicats encore; la vénalité sous toutes ses formes répondit aux sollicitations du pouvoir , et le confident le plus austère de la pensée du règne adressa sans honle à ses électeurs cette exhortation qui résumait le siècle : Enri- chissez-vous ! La France conserva tout juste assez de mo- ralité pour rougir d'elle-même et pour faire justice dece régi- me qui blessait les plus nobles instincts de la dignité humaine. Il faut tenir compte sans doute des difficultés de la si- tuation. Le gouvernement de Louis-Philippe était en butte à l'hostilité de deux partis puissants , dont l'un demandait ouvertement « pardon à Dieu et aux hommes » de l'avoir placé sur le trône , dont l'autre lui refusait fièrement son concours en proclamant que « rien ne le forcerait