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LOUIS-PHILIPPE D'ORLÉANS. 339 Car il fallait, à force de concessions et de garanties, fléchir le mauvais vouloir des puissances européennes et désarmer leurs ombrageuses susceptibilités. Et c'est ainsi que les ré- volutions abaissent les empires en déplaçant les conditions de leur force et de leur liberté. La modération était chez Louis-Philippe une qualité du tempérament autant qu'un calcul de la politique. Quoiqu'é- minemment brave, il répugnait à l'effusion du sang, et tout le monde sait avec quelle scrupuleuse sollicitude il usait de la fa- culté qu'il s'était personnellement réservée de réviser toute procédure terminée par une sentence capitale, lors même que le condamné n'avait pas eu recours à la clémence royale. L'idée de l'échafaud sur lequel avait péri son père révoltait son imagination, et le sang des Bourbons n'avait rien perdu de sa mansuétude originelle en circulant dans ses veines (1). Son règne n'a point été marqué par ces expiations politiques qui ont tant contribué à dépopulariser la restauration de Louis XVIII. Mais il est juste de remarquer que sa clémence ne fut pas mise à l'épreuve par une tempête comparable à celle du 20 mars, et que son gouvernement, bien qu'avare d'exécutions capitales, est loin d'être demeuré sans reproche à l'égard des condamnés politiques. Le traitement inhumain auquel étaient assujélis les détenus du Mont-Saint-Michel provoqua plusieurs fois les justes réclamations de la presse indépendante, et un biographe anglais fit remarquer combien ce régime homicide était en opposition avec les sentiments de République plus cernée, plus garottée de traités et de limites, plus incapable de mouvement, plus dénuée d'influence et de négociations extérieures, plus entourée de pièges et d'impossibilités qu'elle ne le fut à aucune époque de la monarchie. » (Discours du ministre des affaires étrangères à la Chambre des représentants, 8 mai 1848). (1) The Bourbon is by no means a cruel race.... There is a mildness in Iheir blood. (Sterne).