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286                DU DKOIT DE PROPRIÉTÉ.

 portées contre la propriété , s'adressent, comme nous l'avons
 dit , à l'usage qui en est fait, et non au principe. La pro-
 priété , a-l-on dit, partage la société en deux classes : les
 rentiers et les prolétaires , les uns travaillant pour vivre, les
 autres vivant sans travailler , les uns condamnés à une exis-
 tence toute de privations , les autres ne connaissant que les
 plaisirs. D'abord , le reproche est mal fondé ; car il semble
 supposer que le travail manuel est le seul travail à la fois
 utile et pénible ; ce qui est une grande erreur, puisque l'âme
 peut aussi déployer une grande activité. Or, cette activité
 intellectuelle au-delà de certaines limites , n'a-t-elle pas
 ses fatigues et ses dangers ? Le travail des champs use-t-il
 plus d'hommes que le travail du savant plongé pendant des
journées entières dans les observations les plus minutieuses,
 les calculs les plus compliqués et la lecture d'énormes in-
 folios. Quant à la division impie que la propriété établit
 parmi les hommes aux dépens de l'égalité naturelle , est-
elle donc aussi tranchée qu'on veut bien le dire? Constitué-t-
elle réellement des maîtres et des esclaves ? N'y a-l-il pas
entre eux plutôt Diversité qu'Inégalité? Voyez, en effet, où se
trouve le bonheur , ce niveau auquel les hommes mesurent
leur condition et qu'ils aspirent tous a atteindre. Est-il donc
exclusivement attaché à la propriété du capital ? Et n'est-ce
pas, au contraire, parmi le peuple le plus riche du monde que
le spleen a pris naissance et a ensuite étendu ses ravages? La
richesse ne suffit pas au bonheur ; c'est là une vérité bien
souvent répétée , mais par cela môme plus solide ; car elle a
reçu la consécration de tous les siècles. Tantôt c'est Horace
chantant Yaurea mediocritas ; tantôt c'est Lafontaine tradui-
sant , dans sa fable du Savetier et du Financier , le dicton
populaire : Contentement passe fortune. Or , en fait de bon
sens , quelles autorités peut-on mettre au-dessus de Lafon-
taine et d'Horace? Il est vrai que, pour le bon sens, lesécri-