page suivante »
222 LOUIS-PHILIPPE D'ORLÉANS. destinée quelque jour à subir une nouvelle épreuve du ré- gime démocratique. Mais l'idée perturbatrice de M. de Girardin devait coûter a la France plus que la perte d'un homme honorable. Elle activa puissamment la production et la propagation de ces œuvres impies où, docile aux tendances dominantes de notre siècle, l'imagination des romanciers, par un hideux étalage des difformités du corps social, s'appliquait incessamment à entretenir dans la classe populaire l'esprit de soulèvement et d'hostilité contre les conditions supérieures, et à épuiser sa résignation. La spéculation de M. de Girardin enfanta le ro- man systématique, œuvre informe, où les notions morales et historiques furent lâchement faussées au profit des passions de la multitude. Et le théâtre, en exploitant à son tour ces fictions coupables, accrut largement un désordre dont la com- plicité sembla remonter au gouvernement lui-même, par l'hospitalité que son principal organe ne dédaigna pas d'ac- corder à ces conceptions subversives. Tandis que, sous la forme frivole du feuillelon, le roman battait ainsi en brèche les fondements de la constitution sociale, l'ordre politique que représentait la royauté de juillet, n'était pas plus ménagé par la presse sérieuse. L'imprudente publication de Deux ans de Règne, inspirée par la Cour, avait attiré dans le livre intitulé Louis-Philippe et la Contre-révolution, la diatribe la plus audacieuse peut-être qui ait jamais été écrite contre aucun chef d'état. Plus dangereux encore par un style plein de verve et de couleur, et par une impitoyable dissection des hommes et des événements, l'Histoire de Dix ans dénonçait hautement à des milliers de lecteurs l'élu de 1830, comme le grand coupable auquel devaient s'adresser tous les ressentiments des classes populaires, et « sapait comme un bélier les rem- parts de la monarchie (1). » Comment s'étonner que des ( n F,\missions